Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/321

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long-temps étranger, et dans un lieu qui ne l’a jamais connu, reprit Damien.

— Je n’en aurai aussi que plus de courage pour vous les apprendre, dit le pèlerin : ceux qui sont dans la douleur peuvent mieux supporter les mauvaises nouvelles que ceux qu’elles viennent frapper au milieu de la joie et du bonheur.

— Quoi qu’il en soit, la situation du malheureux, dit Damien, peut devenir encore plus misérable par l’attente ; je vous prie donc, mon révérend père, de me dire tout de suite le plus terrible ; si vous venez m’annoncer le sort de ce pauvre corps, puisse Dieu avoir pitié de l’âme qu’on en chassera violemment !

— Je n’ai pas cette commission, dit le pèlerin. Je viens de la terre sainte, et j’ai d’autant plus de douleur de vous trouver dans cette position, que mon message s’adressait à un homme libre et riche.

— Quant à ma liberté et à ma fortune, dit Damien, ces fers et cet appartement vous répondent ; mais, annonce tes nouvelles. Si mon oncle, car je crains qu’il ne soit question de lui, a besoin de mon bras ou de ma fortune, ce cachot et ma dégradation m’occasionnent plus de tourments que je ne l’avais encore supposé.

— Votre oncle, jeune homme, dit le pèlerin, est prisonnier, je devrais plutôt dire esclave du grand soudan ; il fut pris dans une bataille où il se distingua beaucoup, quoiqu’il lui fût impossible de prévenir la défaite des chrétiens, qui la termina. Il fut fait prisonnier tandis qu’il couvrait la retraite, après avoir tué, pour son malheur, ainsi que la suite l’a prouvé, Hassan Ali, favori du Soudan. Le cruel païen a fait charger le digne chevalier de fers plus pesants que ceux que vous portez, et, en comparaison du cachot où il est renfermé, celui-ci semblerait un palais. L’intention de l’infidèle était de faire souffrir au vaillant connétable la mort la plus affreuse que ses bourreaux pourraient inventer ; mais la renommée lui apprit que c’était un homme puissant et très-riche : alors il a demandé une rançon de dix mille besants d’or. Votre oncle répondit que ce paiement le ruinerait entièrement, et l’obligerait à se défaire de toutes ses propriétés ; de plus, il exposa qu’il lui faudrait du temps pour les changer en argent. Le soudan répondit qu’il lui importait peu qu’un chien comme le connétable fût gras ou maigre ; par conséquent il insista pour avoir la rançon entière. Mais il consentit enfin à la