Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/278

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sur la terre, et Monthermer, bafoué dans sa colère, se vit exclu du château. « Indigne femme ! » s’écria-t-il avec fureur ; puis, se contenant, il dit avec calme au poursuivant : « Vous êtes témoin qu’elle est convenue que le traître est dans ce château ; vous êtes témoin qu’interpellée selon la loi, cette Éveline Berenger refuse de nous le livrer. Faites votre devoir, sire poursuivant, selon l’usage en pareil cas. »

Le poursuivant s’avança alors et proclama dans les termes employés ordinairement, qu’Éveline Berenger, interpellée selon la loi, refusant d’admettre les troupes du roi dans son château et de livrer un traître nommé Damien de Lacy, avait encouru la peine de haute trahison et avait entraîné dans le même sort tous ceux qui l’aideraient ou l’exciteraient à défendre ledit château, malgré leur serment de fidélité au roi d’Anjou. Les trompettes, dès que la voix du héraut eut cessé, confirmèrent la sentence par un son lugubre et prolongé, qui fit sortir de leurs nids les hiboux et les corbeaux qui y répondirent par leurs cris de mauvais présage.

Les défenseurs du château se regardaient avec tristesse et effroi, tandis que Monthermer, élevant sa lance, s’écria en tournant la bride de son cheval : « Quand je reviendrai près de Garde-Douloureuse, ce ne sera pas seulement pour intimer, mais pour exécuter les ordres de mon souverain. »

Comme Éveline contemplait d’un air pensif la retraite de Monthermer et de ses compagnons et considérait ce qu’elle devait faire dans une position aussi embarrassante, elle entendit un des Flamands demander à voix basse à un Anglais qui se trouvait près de lui ce que signifiait le mot traître.

« C’est celui qui trahit la confiance, qui trompe, dit l’interprète. »

La phrase dont il se servit rappela à Éveline son rêve ou sa vision prophétique.

« Hélas ! dit-elle, la vengeance de mon ennemi va s’accomplir. Veuve, épouse, il y a long-temps que je le suis. Fiancée pour mon malheur, car c’est la clef de ma triste destinée ; traître, je suis dénoncée comme telle, quoique, Dieu merci, j’en sois innocente. Il ne me manque plus que d’être trahie, et la prophétie sera accomplie à la lettre. »