Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/257

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— Fais comme tu voudras, fais comme tu voudras, dit le bon père. Ma foi, Roschen, il est heureux pour toi que tu aies du bon sens et de la modération dans tes demandes, puisque j’ai la folie d’y accéder si promptement. Voilà maintenant une de tes fredaines d’honneur et de générosité ; mais je préfère la prudence et l’honnêteté… Ah ! Rose, Rose ! ceux qui veulent faire mieux que bien font quelquefois pire que mal… Mais je crois que j’en serai quitte pour la peur, et que ta maîtresse, qui, sauf respect, ressemble un peu à une demoiselle errante, voudra conserver le privilège de loger son chevalier et de le servir en personne. »

Le Flamand disait vrai. Rose n’eut pas plutôt proposé à Éveline de laisser Damien se rétablir dans la maison de son père, que sa maîtresse rejeta brièvement et positivement cette proposition. « Il a été mon libérateur, dit-elle, et s’il reste un seul être pour qui les portes de Garde-Douloureuse doivent s’ouvrir d’elles-mêmes, c’est pour Damien de Lacy… Allons, jeune fille, ne me regardez pas avec cet air triste et soupçonneux… Ceux qui sont au-dessus du déguisement méprisent le soupçon. C’est à Dieu et à Notre-Dame que je dois rendre compte de ma conduite, et mon cœur leur est ouvert.

Elles avancèrent en silence jusqu’à la porte du château, où lady Éveline ordonna que son protecteur (c’est ainsi qu’avec emphase elle appelait Damien fût logé dans l’appartement de son père ; et, avec la prudence d’un âge plus avancé, elle donna les ordres nécessaires pour la réception de ses serviteurs et les arrangements qu’un pareil renfort de convives exigeait. Elle s’acquitta de tous ces soins avec le plus grand calme et la plus grande présence d’esprit, avant même d’avoir songé à remettre ses vêtements en ordre.

Il lui restait encore un autre devoir à remplir. Elle courut à la chapelle de la Vierge, et se prosternant devant sa divine protectrice, elle la remercia de sa seconde délivrance, implora son secours, et, par son intercession, celui du Dieu tout-puissant, pour régler sa conduite. « Tu sais, dit-elle, que ce n’est pas par ma confiance en ma propre force que je me suis précipitée dans les dangers. Oh ! fortifie ma faiblesse ! Que ma reconnaissance et ma compassion ne me deviennent pas un piège ! et tandis que je m’efforce de m’acquitter des devoirs que la gratitude m’impose, défends-moi contre la langue calomniatrice des hommes ! et sauve, oh ! sauve-moi des conseils perfides de mon propre cœur ! »