Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Convenable pour le jeune homme, certes, Roschen, répondit le Flamand, parce qu’il échappera bien mieux au danger de la fièvre.

— C’est vrai : mais est-ce prudent pour milady ? continua Rose.

— Assez prudent, si elle agit prudemment. Mais pourquoi douterais-tu d’elle, Roschen ?

— Je ne sais pas, » dit Rose, voulant cacher même à son père ses craintes et ses doutes ; « mais où il y a de mauvaises langues, il y a de mauvais rapports. Sir Damien et milady sont bien jeunes. Il me semble qu’il vaudrait mieux, mon père, que vous offrissiez un asile au chevalier blessé, au lieu de le laisser transporter au château.

— Quant à cela, je n’en ferai rien, ma fille. » répondit précipitamment le Flamand : « je n’en ferai rien, si je puis faire autrement. Les Normands et les Anglais ne franchiront pas le seul paisible de ma porte, pour se rire de mon bien et consommer ma propriété. Tu ne les connais pas, parce que tu es toujours la favorite de ta maîtresse ; mais moi je les connais ; et tout le bien que j’obtiendrai d’eux sera : Fainéant de Flamand, et avide Flamand, et sot de Flamand. Je remercie les saints de ce qu’ils ne peuvent me traiter de lâche Flamand, depuis l’affaire galloise de Gwenwyn.

— J’avais toujours pensé, mon père, reprit Rose, que vous aviez trop de flegme pour faire attention à ces viles calomnies. Songez que vous êtes sous la bannière de celle qui a toujours été ma bonne maîtresse, et que son père était votre bon seigneur ; vous avez aussi de grandes obligations au connétable pour un accroissement de privilèges. L’argent peut acquitter les dettes, mais la bonté seule acquitte de la bonté ; et je prévois que vous n’aurez jamais une aussi belle occasion de servir les maisons de Berenger et de Lacy, qu’en ouvrant vos portes à ce chevalier blessé.

— Les portes de ma maison ! reprit le Flamand ; sais-je combien de temps encore je pourrai appeler cette maison, ou quelque autre, la mienne ? Hélas ! ma fille, nous sommes venus ici pour fuir la rage des éléments ; mais qui sait si celle des hommes ne terminera pas notre vie ?

— Vous raisonnez d’une manière étrange, mon père, dit Rose ; il ne convient pas à votre sagesse d’augurer tant de mal de l’entreprise d’un brigand gallois.