Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/225

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Mais si l’on avait intention de prolonger la promenade, et si la dame de Garde-Douloureuse se proposait de chasser pendant quelques heures, on ne confiait pas sa sûreté à une garde aussi faible que celle de la garnison du château. Il fallait que Raoul annonçât son intention à Damien par un messager qu’on envoyait la veille, afin qu’on eût le temps de reconnaître avant la pointe du jour, avec un corps de cavalerie légère, le pays qu’elle se proposait de parcourir ; et l’on plaçait des sentinelles dans tous les lieux suspects tout le temps qu’elle restait dehors. Il est vrai qu’elle tenta une ou deux fois de faire une excursion sans avoir annoncé formellement son intention ; mais tous ses projets semblaient être connus de Damien aussitôt qu’ils étaient conçus ; et dès qu’elle était dehors, elle voyait des corps d’archers et de lanciers qui parcouraient les vallées, gardaient le passage de la montagne, et le plumet de Damien se distinguait ordinairement parmi les soldats.

Tant de formalités et de préparatifs diminuaient tellement le plaisir de ces amusements, qu’Éveline les recherchait rarement, pour éviter l’embarras qui mettait tant de personnes en mouvement.

Après avoir employé le jour du mieux qu’on pouvait, le soir le père Aldrovand lisait, dans quelque sainte légende ou dans les homélies de quelque saint, tous les passages qu’il jugeait devoir convenir à sa petite congrégation. Quelquefois aussi il expliquait un chapitre de l’Écriture sainte ; mais en pareil cas l’attention du brave homme se portait si singulièrement vers la partie militaire de l’histoire juive, qu’il ne pouvait jamais quitter les livres des Juges et des Rois, ainsi que les triomphes de Judas Machabée, quoique la manière dont il expliquait les victoires des enfants d’Israël fut bien plus récréative pour lui qu’édifiante pour son auditoire féminin.

Quelquefois, mais rarement, Rose obtenait la permission de faire entrer un ménestrel errant qui amusait pendant une heure par ses chants d’amour et de chevalerie ; quelquefois un pèlerin venant de visiter une châsse éloignée racontait de longues histoires sur les merveilles qu’il avait vues, en reconnaissance de l’hospitalité que lui offrait Garde-Douloureuse ; et quelquefois aussi il arrivait que la dame d’atours obtenait l’admission des marchands voyageurs, ou des colporteurs, qui, au péril de leur vie, cherchaient leur intérêt en portant de château en