Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/216

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Nous aurons des ménestrels qui chanteront des ballades sous nos fenêtres, et des sons de harpe qui suffiraient pour faire tomber nos murs, ainsi que les clercs disent qu’il arriva à ceux de Jéricho ; nous aurons autant de chevaliers errants qu’en eurent jamais Charlemagne ou le roi Arthur. Miséricorde ! il n’en faudrait pas tant qu’une belle et noble recluse claquemurée, comme ils l’appelleront, dans une tour, sous la garde d’un vieux tisserand flamand, pour nous faire attaquer par la moitié de la chevalerie d’Angleterre, qui viendrait rompre des lances, faire des vœux, étaler des liserés d’amour, et je ne sais quelles autres folies. Croyez-vous que de pareils galants, dont le sang coule dans leurs veines comme du vif-argent, m’écouteraient beaucoup quand moi je leur dirais de se retirer ?

— Tirez les verrous, relevez le pont, descendez les herses, » dit le connétable en cherchant à réprimer un sourire.

« Et Votre Seigneurie pense-t-elle que de tels chevaliers respecteront ces obstacles ? C’est justement là les aventures qu’ils viennent chercher. Le chevalier du Cygne traversera les tranchées à la nage ; celui de l’Aigle volera par-dessus les murs ; celui du Tonnerre enfoncera les portes.

— On tend les arcs et les mangonneaux, dit de Lacy.

— Et l’on est assiégé en forme, dit le Flamand, comme le château de Tintadgel dans les vieilles histoires, le tout pour l’amour d’une belle dame ! Et ensuite toutes ces joyeuses dames et demoiselles, qui vont chercher des aventures de château en château, de tournoi en tournoi, la poitrine découverte, les plumes flottantes, le poignard au côté, la javeline en main, bavardant comme des pies, s’agitant comme des geais, et en tout temps roucoulant comme des tourterelles, comment faut-il que je les exclue de la solitude de lady Éveline ?

— En tenant les portes fermées, te dis-je, » reprit le connétable avec le même ton de plaisanterie forcée ; « une barre de bois te servira de garantie.

— Oui ; mais si le tisserand flamand dit : Ferme, quand la jeune Normande dira : Ouvre, qui pensez-vous qui sera mieux obéi. Enfin, milord, quant à la garde d’une femme, je m’en lave les mains… Je n’oserais pas même garder la chaste Suzanne, quand elle habiterait un château enchanté que nul mortel vivant ne pourrait approcher.

— Tu parles et tu penses comme un débauché vulgaire, qui