Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/167

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Éveline elle-même trouvait quelque fondement dans cette comparaison, et elle sentait qu’elle aurait pu être distraite par les visites du jeune Damien, dont l’âge, si rapproché du sien, aurait égayé les assiduités et les soins un peu graves de son oncle ; mais il ne venait pas, et d’après ce qu’elle avait entendu dire de lui au connétable, elle devina que l’oncle et le neveu avaient, du moins pour un temps, fait un échange d’occupations et de caractères. Le premier, à la vérité, en observation de son vœu, continuait à habiter une tente auprès des portes de Gloucester ; mais il revêtait rarement son armure, substituait à son justau-corps de buffle usé le riche damas et les soies précieuses, et affectait, à un âge déjà avancé, plus de recherche dans son costume que ses contemporains ne se rappelaient lui en avoir vu déployer dans sa jeunesse. Son neveu, au contraire, restait presque toujours sur les frontières, occupé à étouffer par la prudence ou à dissiper par la force les différents désordres qui agitaient ces provinces. Mais quelle fut la surprise d’Éveline quand elle apprit que le connétable avait eu beaucoup de peine à le déterminer à assister à la cérémonie qui devait les lier l’un à l’autre, et que les Normands appellent les fiançailles. Cet engagement qui précédait le mariage d’un espace de temps plus ou moins long, suivant les circonstances, était ordinairement célébré avec une solennité qui répondait au rang des parties contractantes.

Le connétable ajouta avec peine que Damien ne prenait pas assez de repos, attendu sa grande jeunesse : qu’il dormait trop peu, et se livrait à une trop grande activité ; que sa santé en souffrait, et qu’un savant médecin juif avait jugé que sa constitution demandait l’influence d’un climat plus doux pour reprendre sa première vigueur.

Éveline apprit cette nouvelle avec chagrin ; car elle se rappelait Damien comme l’ange qui le premier lui annonça l’éloignement des troupes galloises ; toutes les circonstances où ils s’étaient vus, en se retraçant à sa mémoire, lui faisaient éprouver une sorte de plaisir mélancolique, tant il y avait de douceur dans les manière du jeune homme et de consolation dans l’intérêt qu’il prenait à ses peines. Elle aurait voulu le voir pour juger elle-même de la nature de sa maladie ; car comme d’autres damoiselles de ce siècle, elle avait quelque connaissance en médecine, et le père Aldrovand lui-même, assez habile dans cette science, lui avait appris à extraire le suc des herbes et des plantes sous l’influence des