Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/143

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« Je te remercie de ton attachement, Rose, dit-elle ; mais dans cette circonstance il est inutile… Celle qui entre dans cette chambre doit y entrer seule.

— Alors j’y entrerai à votre place, ma très-chère maîtresse, dit Rose. Vous êtes pâle et glacée… Vous mourrez de terreur… Il peut y avoir dans tout cela autant d’imposture que de surnaturel… Je ne m’y laisserai pas tromper, moi, et d’ailleurs, si quelque esprit cruel demande une victime, il vaut mieux que ce soit Rose que sa maîtresse.

— Arrête ! arrête ! » dit Éveline reprenant tout son courage, « j’ai honte de moi-même. C’est une épreuve qui ne concerne que les filles de la maison de Baldringham jusqu’au troisième degré. J’avoue que, dans les circonstances où je me trouve, je ne m’attendais pas à y être appelée ; mais puisque l’heure est venue de la subir, je la supporterai avec autant de fermeté que celles qui m’ont précédée. »

En parlant ainsi, elle prit la torche des mains de Berwine, et lui souhaitant une bonne nuit, ainsi qu’à Rose, elle se dégagea doucement des bras de la dernière, et s’avança dans la chambre mystérieuse. Rose la suivit d’assez près pour voir que c’était un appartement de moyenne grandeur, ressemblant à celui qu’elles avaient traversé, et éclairé par les rayons de la lune qui brillait à travers les vitraux d’une croisée parallèle à celles des deux autres chambres. Elle n’en put voir davantage ; car Éveline, étant arrivée sur le seuil, l’embrassa, puis, la repoussant doucement dans le cabinet, elle ferma la porte de communication, y mit les verrous en dedans, comme pour se garantir contre les nouvelles tentatives que Rose pourrait faire pour y pénétrer.

Berwine alors exhorta Rose, si elle faisait quelque cas de sa vie, de se retirer dans la première antichambre où les lits avaient été préparés et de se livrer, sinon au sommeil, du moins au silence et à la prière… Mais la fidèle Flamande résista avec une égale fermeté à ses ordres et à ses instances.

« Ne me parlez pas de danger, dit-elle ; je resterai ici afin d’être à portée d’entendre ce qui pourra se passer dans la chambre de ma maîtresse ; et malheur à ceux qui lui feraient le moindre mal !… Songez qu’autour de cette demeure inhospitalière sont vingt lances normandes prêtes à venger la moindre injure faite à la fille de Raymond Berenger.

— Réservez vos menaces pour les mortels, » dit Berwine d’une