Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/131

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— Je désire que l’événement justifie votre attente, dit de Lacy ; mais du moins rien ne m’empêchera d’établir une patrouille de sûreté autour du château pendant que vous l’habiterez. » Il s’arrêta ; puis, avec un peu d’hésitation, ajouta qu’il espérait qu’Éveline, en visitant une parente dont les préjugés contre les Normands étaient connus, se tiendrait en garde contre tout ce qu’elle pourrait entendre à ce sujet.

Éveline répondit avec dignité que ce n’était pas la fille de Raymond Berenger qu’on pouvait supposer capable de prêter l’oreille à des discours qui tendraient à flétrir la nation à laquelle ce brave chevalier appartenait ; et le connétable, ne pouvant obtenir une assurance qui eût rapport à sa personne et à ses espérances, fut obligé de se contenter de celle-là. Il se rappela que le château d’Herbert n’était qu’à deux milles de l’habitation de la dame de Baldringham, et que la séparation ne serait que d’une nuit ; cependant la différence d’âge qui existait entre eux, et peut-être aussi le manque de ces agréments qui ont généralement le pouvoir de séduire le cœur des femmes, lui faisaient considérer cette absence momentanée avec inquiétude ; de sorte que, pendant le voyage de l’après-midi, il se tint en silence aux côtés d’Éveline, rêvant à ce qui pouvait arriver le lendemain, plutôt que de profiter de l’occasion que le moment lui offrait ; et, dans cette humeur peu communicative, ils arrivèrent au lieu où ils devaient se séparer.

C’était un endroit élevé d’où l’on pouvait découvrir à droite le château d’Amelot Herbert, situé sur une éminence, avec ses créneaux et ses tourelles gothiques ; et à gauche, dans un beau fond et au milieu d’épaisses forêts de chênes, l’habitation grossière et isolée dans laquelle la dame de Baldringham se plaisait à observer les mœurs des anciens Saxons, et regardait avec haine et mépris toutes les innovations qui avaient été introduites depuis la bataille d’Hastings.

Là, le connétable de Lacy, après avoir ordonné à une partie de sa troupe d’accompagner lady Éveline jusqu’à la maison de sa parente, et d’entretenir alentour une garde active et vigilante, sans toutefois s’approcher de trop près, de peur d’offenser ou de gêner la famille, baisa la main de la châtelaine et prit congé d’elle à regret. Éveline continua sa route par un sentier si peu battu qu’il indiquait assez la solitude de la maison à laquelle il conduisait. Des troupeaux de bestiaux, remarquables par leur grosseur