Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/73

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que l’idée de devoir ou de fidèle attachement ne prît quelque force d’aucun côté. Il pouvait même, et ne s’en faisait pas faute, avoir des domaines qui dépendissent des différents rois de France, d’Angleterre, d’Écosse, et devenant ainsi, jusqu’à un certain point, le sujet de tous ces princes, il n’eût porté que difficilement à l’un ou à l’autre d’entre eux une affection particulière qui ne fut point basée sur un respect ou une préférence personnels. Quand la guerre éclatait entre deux des princes dont il dépendait, le feudataire, après avoir décidé sous quel étendard il irait combattre, se dispensait de toute allégeance envers l’autre des deux puissances ennemies par la résignation du fief qu’il tenait d’elle. La possibilité de changer ainsi et de contrée et de maître, cette habitude de vassal de ne servir un prince qu’aussi long-temps qu’il tenait un fief de lui, menaient à des idées commodes et peu régulières au sujet de la fidélité, et donnaient au feudataire plutôt l’apparence d’un mercenaire qui sert parce qu’on le paie, que d’un patriote qui combat pour la défense de son pays. C’est une conséquence qu’on peut tirer de cette promptitude à passer sans cesse d’un parti dans un autre, qu’on remarque chez les barons écossais et que les historiens ont beaucoup censurée. Enfin, le lecteur remarquera que les grands feudataires, qui semblaient se regarder comme libres, absolument libres de choisir tel ou tel monarque pour s’attacher à lui, s’inquiétaient moins des droits de l’Angleterre et de l’Écosse, ou de ceux des princes étrangers ou d’un prince indigène, que des talents personnels et de la situation des deux rois. En s’attachant à Édouard plutôt qu’à Baliol, les grands vassaux se rangeaient du côté plutôt du courage que de la timidité, de la richesse que de l’indigence, et de la victoire que de la défaite. Si d’une une telle indifférence pour les considérations qui naissent du patriotisme, et un tel attachement individuel à leur propre intérêt, caractérisaient les nobles Scoto-Normands, on ne doit pas s’étonner que beaucoup d’entre eux n’aient pris qu’avec tiédeur part à la défense de leur pays, et que même quelques-uns se soient rendus coupables de versatilité pendant les scènes continuellement changeantes que nous allons raconter. Il en fut autrement de la nation écossaise.

Exaspérée par les insultes faites à la patrie, par les violences des garnisons anglaises, et par les exactions du trésorier Cressingham, une haine universelle du joug de l’Angleterre se manifestait parmi le peuple, qui, encore demi-barbare, ne demandait