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étendu que les historiens ne s’en sont doutés jusqu’à ce jour. Le numéraire abondait dans la contrée, et le paiement de sommes considérables, comme les dix mille marcs à Richard Ier, fut fait sans que la nation en souffrît. D’un autre côté, les forces militaires de l’Écosse étaient respectables, puisque, selon Mathieu Paris, Alexandre II put, en 1244, opposer à l’armée anglaise mille cavaliers, bien armés tous et passablement montés, quoique pas un de leurs chevaux ne fût ni espagnol ni italien, et environ cent mille fantassins, tous résolus à vivre et à mourir avec leur souverain.

La maison du roi d’Écosse était toujours remplie d’un grand nombre d’officiers féodaux, et toujours il y eut dans l’établissement royal un appareil de splendeur que l’humilité même de la sainte reine Marguerite ne réforma point. Elle et son mari se servaient à leurs repas de vaisselle d’or et d’argent, ou du moins, dit naïvement Turgot, plaquée de façon à en avoir l’air. Aux anciens jours même d’Alexandre Ier, ce monarque, avec une générosité comparable à celle de l’amant qui faisait cadeau à sa fiancée d’une semine de rasoirs[1], comme chose qu’il prisât le plus pour sa part, gratifia magnifiquement la cathédrale de Saint-André d’un coursier arabe, couvert de riches harnais et d’une armure complète ornée d’argent et de pierres précieuses, amenant le tout jusqu’au maître-autel pour le consacrer solennellement à l’Église.

Berwick jouissait alors du privilège de port franc, et sous Alexandre III les revenus de la douane, dans ce seul port d’Écosse, s’élevèrent à 2197 livres 8 schellings, tandis que ceux de toute l’Angleterre ne montèrent qu’à la somme de 8411 livres 19 schellings 11 deniers et demi. Un ancien historien appelle cette ville une seconde Alexandrie.

Enfin on peut noter que le sol était principalement cultivé par des serfs ; mais l’institution des bourgs royaux avait commencé déjà à améliorer beaucoup le sort des classes inférieures.

Tel était l’état de l’Écosse à la fin du treizième siècle, mais nous n’y reconnaissons des institutions et des lois que dans les parties du royaume sur lesquelles l’immédiate autorité du roi, ainsi que l’influence d’un système plus moderne et des coutumes plus nouvelles, se faisaient sentir. Ces améliorations ne furent nullement sensibles ni dans la totalité des Highlands et des îles, ni dans le Galloway et le Strath-Clyde, jusqu’à ce que ces deux dernières

  1. Sept rasoirs contenus dans une boîte. a. m.