Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/16

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la première à l’est, la seconde à l’ouest, les côtes de la Grande-Bretagne septentrionale, paraissent avoir eu mêmes usages, même férocité surtout, et ne pas s’être gênées pour satisfaire ce penchant contre les tributaires de Rome. Les uns et les autres, à l’exemple des Irlandais, arrangeaient de telle sorte leurs longs cheveux mêlés, qu’ils n’avaient plus besoin de rien pour se garantir la tête, et qu’ils s’en servaient selon la nécessité comme d’un casque ou d’un masque. Leurs armes étaient de légères javelines, des épées au contraire pesantes à force de longueur, et des boucliers, tantôt d’osier, tantôt de cuir. Leurs maisons consistaient en branches entrelacées, ou bien, aux époques de grand péril, ils se réfugiaient sous terre dans de longues, étroites, et tortueuses excavations, qui existent encore, et dont l’idée semble avoir dû leur être fournie par un lapin de garenne. Les Pictes avaient quelque habileté à construire des redoutes grossières entourées d’un rempart de pierre sèche. Ils possédaient aussi quelques notions d’agriculture. Les Scots, qui vivaient dans une contrée montagneuse, ne subsistaient presque absolument que des produits de leur chasse et de ceux de leurs troupeaux. On pourrait dire qu’ils ne rendaient de culte qu’à des démons, puisque les êtres imaginaires qu’ils adoraient n’étaient que leurs mauvais penchants et leurs mauvaises passions personnifiés. La guerre était leur seule occupation, le meurtre leur principal plaisir ; on ne doit donc pas s’étonner qu’ils honorassent le dieu imaginaire des batailles avec de barbares et inhumaines cérémonies.

Mais en vain ces peuples ignorants habitaient-ils une contrée non moins sauvage qu’eux-mêmes ; sur eux aussi se leva le soleil de l’immuable justice, pour dissiper par ses rayons les ténèbres de leurs erreurs. De dignes hommes, à qui le nom de saints, tant qu’on n’y attacha aucune idée superstitieuse, fut donné justement[1], et que la vie ou les plaisirs de ce monde ne touchaient en rien, pourvu qu’ils gagnassent des âmes au christianisme, entreprirent avec succès la tâche dangereuse d’éclairer ces barbares. Si la religion ne poliça point de prime abord les mœurs, les nations long-temps demeurées dans la barbarie, du moins réussit-elle à introduire dans leur sein les institutions sur lesquelles reposent le bonheur et la dignité de la vie sociale. La loi du mariage fut établie parmi elles, et tous les ignobles maux résultant de la po-

  1. Il ne faut pas oublier que Walter Scott était protestant, et il use ici d’une précaution oratoire. a. m.