Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/570

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aurez à rendre un pareil service à un vivant ; mais votre père ne semble pas y donner son approbation, laissons donc cela ; d’ailleurs ce sera pour lady Staunton un grand sujet de satisfaction de le voir tout entier, et j’espère qu’elle me rendra la justice de convenir que je sais tirer bonne et prompte vengeance du sang d’un gentilhomme.

Telles furent les observations d’un homme trop accoutumé aux anciennes mœurs des Écossais pour regarder l’issue de cette escarmouche comme digne d’exciter une grande émotion.

Nous n’essaierons pas de décrire l’effet tout contraire que cette catastrophe inattendue produisit sur lady Staunton, et ce qu’elle éprouva lorsqu’elle vit rapporter le corps sanglant de ce mari qu’elle s’attendait à voir arriver plus tranquille et mieux portant qu’il ne l’avait été depuis long-temps. Elle oublia tout, excepté qu’il avait été l’amant de sa jeunesse, et que, quelles que fussent du reste ses erreurs, il n’avait eu d’autre tort envers elle que celui d’une inégalité de caractère inséparable de la position difficile où il était placé. Dans la vivacité de sa douleur, elle poussait des cris affreux et ne sortait d’un évanouissement que pour retomber dans un autre. Il fallut toute la tendre surveillance et les précautions de sa sœur pour l’empêcher de trahir dans les accès de son désespoir mille choses qu’il était pour elle de la plus grande importance de tenir cachées.

À la fin, épuisée par la violence même de sa douleur, l’abattement et le silence succédèrent à ses cris, et Jeanie put la quitter un moment pour aller se concerter avec son mari, et lui conseiller d’empêcher l’intervention du capitaine en s’emparant lui-même, au nom de lady Staunton, de tous les papiers de son mari. Ce fut alors que pour la première fois Butler apprit, à son grand étonnement, ce qu’était lady Staunton, ce qui lui donnait le droit et lui imposait même l’obligation d’empêcher qu’un étranger fût inutilement initié dans les affaires de la famille. Ce fut dans ce moment de crise que Jeanie sut montrer encore une fois ses vertus actives et courageuses. Tandis que le capitaine était occupé à se rafraîchir, et faisait subir un long interrogatoire en gaélique et en anglais à tous les prisonniers et à tous les témoins de ce fatal événement, elle fit déshabiller le corps de son beau-frère et tout préparer pour l’ensevelir. Un crucifix, un chapelet et un cilice qu’on trouva sur lui, montrèrent alors que ses remords l’avaient porté à embrasser les dogmes de cette religion qui prétend