Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/530

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins le mien que celui des autres, sans quoi vous l’auriez su depuis long-temps. Je ne puis donc répondre à aucune question là-dessus, et vous me désobligeriez en m’en faisant. — Répondez-moi seulement à une seule, dit Reuben : cet argent est-il bien à vous seule sans contestation et pour en disposer comme il vous plaît ? Est-il possible que personne que vous n’ait des droits à une somme si considérable ? — Elle était à moi pour en disposer comme je voudrais, et je l’ai déjà fait, car elle est maintenant à vous, Reuben. Vous êtes Butler-Bible maintenant tout aussi bien que votre grand-père auquel mon pauvre père en voulait tant. Seulement, si vous ne vous y opposez pas, je serais bien aise que Phémie eût une bonne partie de cet argent après nous. — Certainement, si vous le désirez. Mais qui dans le monde se serait jamais avisé de choisir une telle cachette pour y enfermer des richesses terrestres ? — C’est là une de mes vieilles manies, comme vous les appelez, Reuben ; d’ailleurs je pensais que si Donacha-Dhu venait à faire une descente chez nous, la Bible serait la dernière chose sur laquelle il mettrait la main ; mais je vous promets que s’il m’en arrive encore, ce qui n’est pas improbable, je vous le remettrai, et vous pourrez en disposer comme bon vous semblera. — Et décidément, je ne puis pas vous demander comment cet argent vous est arrivé ? dit le ministre. — Non, en vérité, Reuben ; car, si vous me pressiez bien fort, je pourrais finir par vous le dire, et dans ce cas j’aurais tort. — Mais dites-moi, reprit Butler, si c’est quelque chose qui vous trouble l’esprit. — Les richesses de ce monde sont toujours accompagnées de bien et de mal, Reuben ; mais il ne faut pas m’en demander davantage, cet argent ne me lie à rien, et personne ne nous en demandera jamais compte. — À coup sûr, » dit Butler après avoir encore une fois compté les billets, comme pour s’assurer que ce n’était pas une illusion, « personne n’eut jamais dans le monde une femme comme la mienne ; les bénédictions du ciel semblent la suivre. — Jamais, dit Jeanie, depuis la princesse enchantée dont parlent les contes de fées, qui faisait tomber des nobles d’or d’un côté de sa chevelure en se peignant, et de l’autre des dollars d’argent. Mais allez à vos affaires maintenant, ministre, et ne tenez pas ainsi ces billets dans votre main, ou je les remettrai dans la vieille armoire, de peur qu’il ne leur arrive malheur. Nous sommes un peu trop voisins des montagnes pour n’avoir pas à craindre qu’on nous croie de l’argent à la maison, dans des temps comme ceux-ci. D’ailleurs,