Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/519

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mari, et pourquoi je manquerais de confiance envers le mien à cause de lui. Ainsi donc, je suis décidée à le lui dire demain matin quand le capitaine sera embarqué. Mais, » dit-elle en revenant sur ses pas après s’être avancée vers la porte pour aller rejoindre la famille, « je ne comprends pas ce qui se passe en ce moment dans mon esprit : est-ce que je serais assez folle pour être fâchée de voir Effie devenue une grande dame, tandis que je ne suis que la femme d’un ministre ? et me voilà cependant de mauvaise humeur comme un enfant, quand je devrais remercier Dieu de l’avoir tirée de l’état de honte, de crime et de misère où elle aurait pu être plongée. »

S’asseyant sur un tabouret auprès de son lit, elle croisa ses bras sur sa poitrine en se disant à elle-même : « Je ne me lèverai pas de là que je ne sois dans une meilleure disposition d’esprit. » Et de cette manière, sans craindre d’arracher le voile qui couvrait les motifs de ce petit accès d’humeur contre sa sœur, elle se força elle-même à en rougir, et à se réjouir des avantages attachés au sort d’Effie, tandis que les embarras qui y étaient joints ne lui parurent plus que la conséquence des erreurs du passé. Elle parvint donc bientôt à surmonter le mouvement de dépit qu’elle avait assez naturellement éprouvé en voyant cette Effie, si long-temps l’objet de ses soins et de sa pitié, soudainement élevée à un rang assez supérieur au sien pour devoir mettre au nombre de ses plus vives craintes celle de voir se découvrir les liens de parenté qui les unissaient.

Quand elle eut triomphé de cet accès d’amour-propre, qui lui était habituellement étranger, elle descendit dans le petit parloir où son mari et le capitaine finissaient leur partie, et elle apprit de ce dernier la confirmation de la nouvelle que lui donnait sa sœur de la prochaine arrivée du duc à Roseneath.

« Il trouvera force oiseaux de bruyère dans les environs d’Auchingower, dit Duncan ; et sans doute il reviendra dîner et coucher au presbytère comme il a fait déjà. — Il y a bien droit, capitaine, dit Jeanie. — Qui diable a meilleur droit que lui à tous les lits du pays ? dit le capitaine. Je vous conseille de dire à votre père, le cher homme, de mettre toutes ses bêtes en bon ordre, et de tâcher, pour un jour ou deux, de chasser de sa tête toutes ces fadaises caméroniennes, s’il peut avoir cette complaisance ; car lorsque je lui parle de ses bestiaux, il me répond toujours par quelque citation de la Bible, ce qui n’est point honnête, et