Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/515

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tement, se mit à lire avec la surprise et l’agitation la plus vive, était bien réellement d’Effie, quoiqu’elle ne portât d’autre signature que la lettre E., et quoique l’orthographe, le style et l’écriture en fussent bien supérieurs à tout ce dont elle aurait cru Effie capable ; car, malgré son intelligence et sa grande vivacité, elle n’avait jamais montré d’application à l’étude, et n’approchait même pas de sa sœur pour la manière de s’exprimer. L’écriture en était belle, quoiqu’un peu raide, le caractère en paraissait italien : l’orthographe et la diction étaient celles d’une personne habituée à lire de bons ouvrages et à fréquenter la bonne société ; en voici la teneur :

« Ma très-chère sœur,

« Je me hasarde à vous écrire, quelque risque qu’il y ait à le faire, pour vous apprendre que j’existe encore, et que j’occupe un rang plus élevé que je ne l’avais mérité et que je ne pouvais m’y attendre. Si la fortune, si les honneurs, si un rang distingué dans le monde, peuvent faire le bonheur d’une femme, je possède tout cela ; et cependant vous, Jeanie, dont la situation semble bien inférieure à la mienne sous tous ces rapports, vous êtes mille fois plus heureuse que moi. J’ai eu l’occasion de savoir de temps en temps de vos nouvelles, ma chère Jeanie ; autrement, je crois que j’en serais morte de chagrin. J’ai appris avec le plus grand plaisir l’augmentation de votre famille. Nous n’étions sans doute pas dignes d’un tel bonheur. Deux enfants m’ont été successivement enlevés peu de temps après leur naissance, et il ne nous en reste aucun. Que la volonté de Dieu soit faite ! Ah s’il avait un enfant, peut-être cela le détournerait-il un peu de ces sombres pensées qui le rendent si redoutable aux autres et à lui-même. Cependant, que ceci ne vous effraie pas, Jeanie ; il continue d’être plein de tendresse pour moi, et je suis, sous tous les rapports, plus heureuse que je ne le mérite. Vous vous étonnerez, sans doute, des progrès que j’ai faits, mais je vous dirai que, pendant mon séjour en pays étranger, j’ai eu les meilleurs maîtres, et je me suis appliquée à l’étude, parce que mes progrès lui faisaient plaisir. Il est vraiment bon, Jeanie, seulement il a bien des sujets de peines quand il songe au passé. Et moi, je puise dans ce souvenir un motif de consolation, en me rappelant la généreuse conduite d’une sœur qui ne m’abandonna pas quand tout m’abandonnait. Vous avez reçu votre récompense, vous vivez heu-