Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avec son mari, mistress Butler employait des moyens de conciliation plus directs et plus raisonnés. Reuben avait le plus profond respect pour la droiture d’intention du vieillard, un attachement sincère pour sa personne, et une véritable reconnaissance de l’amitié qu’il lui avait témoignée dès sa première jeunesse ; aussi, dans des occasions semblables, elle n’avait besoin pour calmer son irritation que de lui rappeler avec délicatesse l’âge de son beau-père, son peu d’éducation, ses préjugés, et ses chagrins domestiques. La moindre de ces considérations disposait Butler à des mesures de conciliation autant qu’il pouvait le faire sans déroger à ses principes. C’est ainsi que notre vertueuse et modeste héroïne rétablissait l’harmonie entre ceux qu’elle aimait, et méritait les bénédictions promises à ceux qui font renaître la paix parmi les hommes.

La seconde croix, pour nous exprimer comme Deans, qui venait traverser la félicité de mistress Butler, était de ne pas avoir reçu une seule fois des nouvelles de sa sœur, quoique quatre ou cinq ans se fussent écoulés depuis qu’elles s’étaient séparées sur le rivage de l’île de Roseneath, et d’ignorer entièrement ce qu’elle était devenue et la position où elle se trouvait. Elle n’avait pas dû s’attendre à une correspondance très-active, ni même la désirer, peut-être, dans leurs situations respectives ; mais Effie lui avait promis que, si elle vivait et que le sort lui fût prospère, sa sœur recevrait de ses nouvelles. Elle n’existait donc plus, ou bien elle était tombée dans un abîme de maux, puisqu’elle n’avait pas tenu sa promesse. Son silence était étrange et de funeste présage, et il plongeait Jeanie, qui ne pouvait oublier les premières années de leur jeunesse, dans les alarmes les plus cruelles sur la destinée de cette sœur qu’elle ne cessait de chérir : le voile qui la couvrait se déchira enfin.

Un jour que le capitaine de Knockdunder était venu au presbytère à son retour d’une excursion dans la partie montagneuse de la paroisse, après qu’on lui eut servi, à sa demande, une boisson composée de lait, d’eau-de-vie, de miel et d’eau, qu’il trouvait que mistress Butler préparait mieux qu’aucune femme en Écosse (car, dans toutes les choses de ce genre, elle se plaisait à étudier le goût de tous ceux qui l’entouraient), il dit à Butler : « À propos, ministre, j’ai une lettre pour votre digne femme ou pour vous, qu’on m’a remise à mon passage à Glasgow. Le port en est de quatre sous, que vous pouvez me payer ou jouer quitte ou double avec moi dans une partie de trictrac. »