Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/502

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et la nuit si belle, que Butler, en disant adieu à Jeanie, ne conçut aucune inquiétude pour sa sûreté ; et, ce qui est encore plus extraordinaire, mistress Dolly elle-même n’en éprouva pas pour la sienne. L’air était doux et venait effleurer les vagues qui lui communiquaient leur fraîcheur, tandis qu’il leur apportait les douces émanations de l’été. Le magnifique paysage de promontoires et de baies qui les entourait, et la longue chaîne bleuâtre de montagnes dont il était ceint, n’étaient qu’à demi éclairés par la lune, et chaque fois que les rames s’enfonçaient dans les flots, les eaux rejaillissaient étincelantes de ce brillant phénomène appelé le feu de mer.

Cette dernière circonstance remplit Jeanie d’étonnement, et servit à amuser sa compagne jusqu’à ce que la barque fût entrée dans la petite baie, dont les bras semblaient s’étendre dans la mer comme pour les accueillir.

L’endroit où l’on débarquait ordinairement était à un quart de mille du château ; et quoique la marée ne permît pas à la grande barque d’approcher tout à fait d’une espèce de jetée qu’on avait formée de pierres mal jointes, Jeanie, qui était aussi agile que hardie, sauta facilement à terre. Mais mistress Dolly ayant refusé positivement de courir le même risque, le complaisant Archibald ordonna aux bateliers de la débarquer dans un endroit plus commode, à une distance assez considérable ; et il se préparait à descendre lui-même pour accompagner Jeanie au château ; mais comme on ne pouvait se tromper de chemin, puisqu’il ne fallait, pour y arriver, que suivre une avenue bordée d’arbres qui était devant elle, et que d’ailleurs le clair de lune lui montrait les cheminées du bâtiment qui élevaient leurs têtes blanches au-dessus des bois qui l’entouraient, Jeanie le remercia poliment de sa complaisance, et le pria d’accompagner mistress Dolly, qui, se trouvant dans un pays où tout lui paraissait étrange, avait plus besoin qu’elle de son secours.

Ce fut une circonstance fort heureuse pour la pauvre laitière, et qui lui sauva la vie, s’il est vrai, comme elle le déclara souvent depuis, qu’elle serait morte de frayeur si elle eût été abandonnée toute seule dans la barque avec six sauvages montagnards en jupon.

La nuit était si belle, qu’au lieu de s’acheminer sans délai vers la maison, Jeanie resta sur le rivage, contemplant la barque qui s’en éloignait de nouveau pour entrer dans la petite baie. Elle