Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment de plus, il ne savait pas combien de temps il pourrait lui faire attendre le premier quartier de ses appointements.

Davie soupira en pensant que des motifs humains avaient pu exercer une telle influence sur l’esprit d’un éloquent prédicateur. Mais un autre incident l’avait aussi fortement scandalisé pendant le service.

Dès que la congrégation eut repris ses sièges après les prières, et que le ministre eut lu le texte, Duncan, après avoir fouillé dans la poche suspendue sur le devant de son jupon, en tira une petite pipe à tabac en fer, et s’écria presque tout haut : « J’ai oublié ma boîte à tabac, Lachlan ; allez au clachan, et rapportez-moi un sou de tabac à fumer. » Six bras, les plus à sa portée, présentèrent aussitôt avec empressement autant de boîtes à tabac au dignitaire. Il en choisit une en faisant un petit signe de tête de remercîment, remplit sa pipe, l’alluma à l’aide de sa pierre à briquet, et fuma du plus grand sang-froid pendant tout le temps du sermon. Quand il eut fini, il vida les cendres de sa pipe, la remit dans sa poche, rendit la boîte à tabac à qui elle appartenait, et écouta la prière avec décence et attention.

À la fin du service, lorsque Butler eut été reçu ministre de l’église de Knocktarlity, et investi de toutes ses immunités et privilèges spirituels et temporels, Davie, qui avait soupiré, gémi et murmuré de la conduite irrévérencieuse de Knockdunder, communiqua sans déguisement son opinion à Isaac Meicklehose, un des anciens, dont l’aspect grave et solennel et la perruque grisonnante l’avaient disposé à la sympathie. « Un Indien sauvage, dit Davie, ne se permettrait pas de fumer dans une église, et d’y envoyer à droite et à gauche des bouffées de tabac, comme s’il était dans une tabagie : comment un chrétien et un gentilhomme peut-il se conduire ainsi ? »

Meicklehose secoua la tête, et convint que la chose était loin d’être décente. « Mais que voulez-vous ? le capitaine est un drôle de corps, et lui faire quelques représentations à ce sujet ou sur tout autre ce serait mettre le feu aux poudres. Il a la main haute sur tout le pays, et sans sa protection nous ne pourrions trafiquer avec les montagnards, puisque toutes les clefs de la contrée sont pendues à sa ceinture. Au fond, il n’est pas méchant homme, et vous savez qu’il peut faucher l’herbe dans les prairies[1] — Cela peut être, voisin, reprit Davie ; mais je connais mal Butler, ou

  1. C’est-à-dire qu’il peut nuire à ceux qui sont moins élevés que lui. a. m.