Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/474

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message, ajouta que certainement le fermier de Saint-Léonard avait quelque grande nouvelle à lui communiquer, car il avait l’air d’un coq élevé sur ses ergots.

Butler, comme on le pense bien, se hâta de se rendre à cette invitation. Son caractère était naturellement plein de franchise ; un mérite solide, beaucoup de bon sens et de simplicité en formaient le fond ; mais dans cette circonstance l’amour lui donna un certain degré d’adresse. Il avait reçu la nouvelle de la faveur que le duc d’Argyle lui destinait, avec ces sentiments que peuvent seuls comprendre ceux auxquels, au lieu de la misère et d’un travail pénible et insuffisant, s’est offerte tout à coup la perspective d’un état indépendant et honorable ; mais il résolut pourtant de laisser au vieillard la satisfaction et le mérite de lui communiquer cette importante nouvelle, et d’écouter patiemment toutes les réflexions qu’il aurait à entendre sur cette proposition sans interrompre Deans et l’irriter par la contradiction. Ce dernier plan était le plus sage qu’il pût adopter ; car, quoique Davie ne fût pas embarrassé de lever les doutes qui se présentaient à son esprit, il n’aurait pas été également disposé à accepter la solution que tout autre aurait pu en donner, et Butler, en l’engageant dans une discussion, se serait exposé à le voir embrasser et soutenir une opinion diamétralement opposée à celle qu’il aurait été disposé à avancer de lui-même.

Davie reçut son ami avec cet air d’importance et de gravité que des chagrins trop réels lui avaient fait long-temps abandonner, et qui rappelait ces jours d’autorité redoutable où il dirigeait la veuve Butler et lui dictait des lois sur la manière de cultiver les champs de Beersheba. Il apprit à Butler avec une grande prolixité qu’il allait probablement changer de résidence pour aller se charger de la direction d’une ferme appartenant au duc d’Argyle, dans le comté de Dumbarton, et il s’étendit sur les nombreux avantages de sa nouvelle situation, avec une satisfaction intérieure infinie, assurant son patient auditeur que rien n’avait autant pu lui faire accepter cet emploi si ce n’est la conviction qu’avec son expérience et la connaissance qu’il avait des bestiaux il pouvait rendre les plus importants services au duc d’Argyle, envers lequel, dans les malheurs qui venaient dernièrement de l’accabler (et ici une larme vint remplacer dans ses yeux l’expression d’orgueilleuse importance dont ils brillaient d’abord), il avait contracté de si grandes obligations. Il conclut en ces termes :