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calmèrent que sur les assurances répétées d’Archibald, que son père, que sa sœur, que tous ses amis étaient en bonne santé, et qu’il ne leur était rien arrivé de fâcheux, du moins à sa connaissance. Elle ne pouvait éprouver aucune méfiance sur ce que lui disaient ses compagnons de voyage, et cependant son inquiétude était si visible qu’Archibald, pour dernière ressource, lui mit dans la main un petit morceau de papier sur lequel étaient écrits ces mots :

Jeanie Deans, je vous prie de me faire le plaisir d’aller avec Archibald et votre compagne jusqu’à une journée au-delà de Glasgow, et de ne leur faire aucune question ; ce qui obligera beaucoup votre ami

Argyle de Greenwich. »

Quoique ce billet laconique d’un seigneur auquel elle avait d’aussi grandes obligations ne permît à Jeanie de faire aucune objection sur la continuation de leur route, cependant la vivacité de sa curiosité s’en trouva encore augmentée. Ses compagnons de voyage ne semblaient plus avoir pour but de se rendre à Glasgow ; au contraire ils côtoyaient la rive gauche de la Clyde, et traversèrent un pays où une foule de vues pittoresques et variétés se succédèrent devant eux le long de cette noble rivière, qui, perdant graduellement son caractère, commença à leur offrir celui d’un fleuve navigable.

« Vous n’allez donc pas à Glasgow ? » dit Jeanie en remarquant que les postillons ne se disposaient pas à tourner la tête de leurs chevaux vers l’ancien pont qui offre le seul accès par lequel on puisse arriver à la ville de saint Mungo.

« Non, reprit Archibald : il s’y passe en ce moment quelque commotion populaire ; et comme notre duc est en opposition avec la cour, peut-être y serions-nous trop bien reçus, ou peut-être s’aviserait-on de se rappeler que le capitaine de Carrick est venu les mettre à la raison avec ses montagnards, en 1725, à l’époque

de la sédition de Shawfield, et alors nous serions trop mal reçus[1]. Dans tous les cas, il vaut mieux pour nous, et surtout pour moi, qu’on peut supposer dans les secrets du duc sur beaucoup de

  1. En 1725, il y eut une grande émeute à Glasgow, à l’occasion d’un impôt sur la drèche. Parmi les troupes levées pour rétablir l’ordre, figuraient des compagnies d’Highlanders levées dans le comté d’Argyle, et qu’une chanson satirique de l’époque désigna sous le titre de Voleurs. Cette sédition fut appelée sédition de Shawfield, du nom du prévôt et membre du parlement contre lequel elle était dirigée.