Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mande très-humblement pardon à Votre Grâce, dit mistress Glass, mais vous n’avez pas besoin de vous inquiéter de cela ; les Deans sont à leur aise dans leur classe, et la jeune fille a de l’argent dans sa poche. — Cela peut-être, dit le duc, mais vous savez que lorsque Mac-Callum More voyage, il paie partout ; c’est notre coutume à nous autres montagnards, mistress Glass, de prendre aux autres ce qui nous manque, et de donner à ceux qui ont besoin. — Votre Grâce est connue pour donner toujours et ne jamais prendre, dit mistress Glass. — Pour vous prouver le contraire, dit le duc, je vais remplir ma boîte du tabac qui est dans ce pot, et je ne vous paierai pas un sou. » Puis la priant encore une fois de le rappeler au souvenir de Jeanie et de lui souhaiter de sa part un heureux voyage, il laissa mistress Glass le front radieux et le cœur épanoui de joie, la plus heureuse et la plus fière de toutes les marchandes de tabac.

La bonté familière et l’affabilité du duc eurent par contre-coup un effet favorable sur la situation de Jeanie. Sa parente, quoique bonne femme et fort obligeante à son égard, s’était un peu trop identifiée avec les manières de Londres pour être entièrement satisfaite du costume national et campagnard de sa cousine, et d’ailleurs elle était un peu scandalisée du motif de son voyage. Mistress Glass aurait donc pu être moins empressée dans ses attentions pour Jeanie, sans l’intérêt que le premier des seigneurs écossais (car c’était ainsi que le duc d’Argyle était considéré dans l’opinion général) semblait avoir pris à son sort ; dès ce moment donc, comme une parente dont les vertus domestiques et l’attachement dévoué à sa famille avaient attiré l’attention et conquis l’approbation de la royauté même. Jeanie apparut à sa cousine sous un point de vue bien différent et bien plus favorable, et s’en vit traitée non seulement avec amitié, mais encore avec égard et respect.

Il n’eût tenu qu’à elle de faire autant de visites que mistress Glass avait de connaissances, et de voir autant de choses curieuses que Londres en pouvait renfermer ; mais excepté dans une ou deux occasions où elle alla dîner chez des cousins éloignés, et dans une autre où, cédant aux instances de mistress Glass, elle se décida à l’accompagner chez mistress Dabby, femme du digne député Dabby, de Faringdon-Without, elle ne profita guère de cette disposition. Comme mistress Dabby était la dame du rang le plus élevé que Jeanie eût vue à Londres après la reine, il lui arriva quelquefois par la