Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/424

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bourg. Et pendant la route je vous prierai de communiquer à votre compagne votre recette pour faire des fromages, car c’est elle qui doit être chargée de la laiterie, et je gagerais bien que vous mettez autant de propreté et de soin dans la vôtre que dans votre habillement et votre tenue. — Est-ce que Votre Honneur aime le fromage ? » dit Jeanie d’un air de satisfaction secrète.

« Si je l’aime ! » dit le duc dont la bonté prévoyait ce qui allait suivre ; « pouvez-vous faire cette question à un montagnard ? Avec du fromage et de la galette, je dînerais comme un empereur. — C’est que, dit Jeanie d’un air de modeste confiance, mais évidemment enchantée de cette réponse, « c’est que nos fromages sont faits avec tant de soin qu’il y a bien des gens qui les trouvent aussi bons que le vrai Dunlop ; et si Votre Honneur voulait bien en accepter un ou deux, il me rendrait bien heureuse et bien fière. Mais peut-être préférez-vous le lait de brebis, c’est-à-dire le fromage de Buckholm, ou peut-être encore le lait de chèvre, puisque vous êtes des montagnes ; et en cela je ne puis prétendre m’y entendre aussi bien ; mais je pourrai parler à ma cousine Jeanne qui demeure à Lockermachus, dans le Lammermoor, et… — C’est tout à fait inutile, dit le duc ; le fromage de Dunlop est précisément celui que j’aime, et vous me rendrez un véritable service de m’en envoyer un à Caroline-Park. Mais songez à vous piquer d’honneur, Jeanie, car je vous avertis que je suis connaisseur. — Je ne crains pas, » dit Jeanie avec confiance, « de mécontenter Votre Honneur ; car on voit bien à votre air qu’il vous serait difficile de trouver à redire à qui ferait de son mieux ; et, certes, si quelqu’un doit faire tous ses efforts pour plaire à Votre Grâce, c’est bien moi. »

Ces paroles firent tomber la conversation sur un sujet qui fournit à nos deux voyageurs, malgré la différence de leur rang et de leur éducation, beaucoup de choses à dire. Le duc, outre ses autres qualités patriotiques, avait des connaissances très-profondes en agriculture, et il en tirait vanité. Il communiqua à Jeanie ses observations sur les différentes races de bestiaux en Écosse, et sur les diverses qualités de leur laitage, et il recueillit en échange de si bonnes choses de l’expérience pratique de la jeune fille, qu’il lui promit une couple de vaches du Devonshire en récompense de la leçon. Il était enfin tellement transporté en imagination au milieu de ses plaisirs et de ses occupations champêtres, qu’il soupira de regret quand sa voiture s’arrêta à la vue du vieux