Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/419

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« Elle va se perdre tout à fait dans sa réponse, » pensa le duc.

Mais en cela il se trompait. Les écueils que Jeanie avait touchés étaient cachés sous l’eau, et elle ne pouvait s’en méfier ; celui-ci était trop saillant pour ne pas être aperçu, et elle l’évita.

« Je ne doute pas, dit-elle, que la ville et le pays ne se réjouissent de voir que Sa Majesté a eu compassion d’une pauvre créature abandonnée. — Ce n’est pas ce que Sa Majesté a trouvé dans les dernières circonstances, dit la reine ; mais je suppose que milord-duc lui conseillerait de se laisser guider par les votes de la populace, pour savoir qui il doit pendre et qui il doit épargner. — Non, madame, dit le duc ; mais je conseillerais à Sa Majesté de se laisser guider par l’impulsion de son propre cœur et par celui de son auguste épouse, et alors je réponds que le châtiment ne serait plus attaché qu’au crime, et encore avec prudence et non sans regret. — C’est très-bien, milord ; mais tous ces beaux discours ne me convaincront pas qu’il soit convenable de donner sitôt une marque de faveur à votre ville… comment dirai-je ? je ne veux pas dire rebelle, mais intraitable et mal intentionnée. Comment donc ! il semble que toute la nation soit liguée pour protéger et cacher les infâmes et cruels assassins de ce malheureux Porteous ; autrement comment serait-il possible que, de tant de complices d’une action si publique, pas un seul, depuis le temps qui s’est écoulé, n’ait été reconnu et arrêté ? Que sais-je moi, si cette fille elle-même n’est pas un des dépositaires de ce secret ? Parlez, jeune fille : avez-vous des amis ou des parents engagés parmi les factieux qui ont assassiné Porteous ? — Non, madame, » dit Jeanie qui se trouvait heureuse que cette question lui fût présentée de manière à ce qu’elle pût en toute conscience répondre négativement.

« Mais j’imagine, dit la reine, que si vous étiez dans le secret de quelqu’un, vous vous feriez un cas de conscience de le garder ? — Je prierais Dieu de m’éclairer et de me guider dans la route du devoir, madame, répondit Jeanie. — Oui, et vous suivriez celle vers laquelle votre inclination vous porterait. — Sous votre bon plaisir, madame, dit Jeanie, j’aurais été au bout de la terre pour sauver la vie de John Porteous ou de tout autre malheureux dans la même situation ; mais je ne sais pas jusqu’à quel point il m’est permis de poursuivre la vengeance de son sang, quoique ce puisse être le devoir d’un magistrat civil de le faire ; cependant il est mort, et c’est à ses meurtriers à répondre de leur crime. Mais ma