Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/383

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bien réellement de quitter cette partie du pays et de vous rendre à Londres ? dit le recteur. — Certainement, monsieur, car je puis presque dire qu’il y va de la vie. Et si je ne craignais pas qu’il m’arrivât quelque nouvel accident sur la route… — J’ai pris des informations sur les individus suspects dont vous m’avez parlé, dit le recteur. Ils ont quitté leur lieu de rendez-vous ; mais comme ils peuvent rôder dans le voisinage, et que vous dites avoir des raisons particulières de craindre leur violence, je vous ferai accompagner par quelqu’un de sûr, qui vous conduira jusqu’à Stamford, et vous fera monter dans la voiture qui conduit de là à Londres. — Une voiture n’est pas faite pour des gens comme moi, » dit Jeanie qui ne savait pas ce que c’était qu’une diligence ; et dans le fait elles n’étaient encore en usage que dans le voisinage de la capitale.

M. Staunton lui expliqua brièvement qu’elle trouverait cette manière de voyager beaucoup plus commode, plus sûre et moins coûteuse que d’aller à cheval. Elle lui témoigna sa gratitude avec tant de candeur qu’il céda au désir de lui demander si elle avait l’argent nécessaire pour continuer son voyage. Elle le remercia en lui disant qu’elle n’en avait aucun besoin : elle avait en effet administré ses finances avec beaucoup d’ordre. Cette réponse dissipa aussi quelques soupçons que pouvait naturellement conserver M. Staunton sur son caractère et son véritable but, et lui prouva du moins que si elle cherchait à l’abuser sur quelque point, ce n’était pas l’argent qu’elle avait en vue. Il lui demanda ensuite dans quel quartier de Londres elle comptait aller.

« Chez une honnête marchande, monsieur, qui est une de mes cousines ; elle vend du tabac à fumer et à priser, et demeure à l’enseigne du Charbon.

Jeanie crut, en indiquant cette adresse, qu’une parente si respectable devait un peu relever son importance aux yeux de M. Staunton. Elle fut donc un peu surprise quand il lui répondit :

« Et cette femme est-elle la seule connaissance que vous ayez à Londres, ma pauvre enfant ? et n’avez-vous pas d’adresse plus précise pour la trouver ? — Mon intention est d’aller voir aussi le duc d’Argyle, dit Jeanie ; et si Votre Honneur juge que je doive y aller d’abord, je me ferai conduire ensuite chez ma cousine par quelqu’un des gens de Sa Grâce. — Connaissez-vous quelqu’un des gens du duc d’Argyle ? dit le recteur. — Non, monsieur. »