Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/377

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considération me donna la force de me contraindre. Je parlai doucement à cette misérable ; je parus me fier à elle, et je dois avouer que, en ce qui ne concernait que moi, elle me donna des preuves d’une fidélité extraordinaire. J’étais incertain sur les mesures que j’adopterais pour sauver votre sœur, lorsque la fureur générale qu’excita parmi le peuple le sursis accordé à Porteous me suggéra l’audacieux projet de forcer les portes de la prison pour arracher votre sœur à la barbarie d’une loi sanguinaire, et de livrer à un châtiment mérité le misérable qui avait tourmenté l’infortuné Wilson jusqu’à l’heure de la mort, comme les sauvages et féroces Indiens se plaisent à torturer leurs prisonniers. Je me jetai au milieu de la multitude au moment de la fermentation. Mon exemple fut suivi par quelques autres camarades de Wilson, qui, comme moi, avides de vengeance, avaient été trompés dans l’espoir de rassasier leurs yeux de l’exécution de Porteous. Tout fut organisé, et je fus choisi pour leur chef. Je n’ai éprouvé, je n’éprouve en ce moment aucun repentir de ce que nous projetâmes et réussîmes à exécuter dans cette occasion. — Oh ! que Dieu vous pardonne, monsieur, et vous ramène à de meilleurs sentiments ! s’écria Jeanie. — Amen, répliqua Staunton, si ces sentiments sont criminels. Mais, je dois le dire, quoique disposé à seconder cette entreprise, j’aurais désiré qu’ils eussent choisi un autre chef, car je prévoyais que les devoirs qui m’allaient être imposés pendant cette mémorable nuit ne me laisseraient pas la liberté de m’occuper d’Effie. Je chargeai donc un ami fidèle de la conduire en lieu de sûreté aussitôt que le fatal cortège aurait quitté la prison. Mais aucune des prières, aucun des moyens de persuasion que me permit la confusion du moment, ou qu’employa plus à loisir mon camarade après que la populace se fut éloignée, ne purent décider cette infortunée à abandonner la prison. Cet ami me rapporta que tous les arguments avaient été inutiles auprès de cette victime obstinée à sa perte, et qu’il avait été obligé de la quitter afin de pourvoir à sa propre sûreté. Tel fut le compte qu’il me rendit ; mais peut-être ne mit-il pas dans ses efforts pour la convaincre la persévérance et la chaleur que j’aurais employées moi-même. — Effie eut raison de rester, dit Jeanie, et je ne l’en aime que mieux. — Comment pouvez-vous parler ainsi, dit Staunton. — Vous ne comprendriez pas mes motifs, quand je vous les expliquerais, » dit Jeanie avec calme ; « ceux qui ont soif du sang de leurs ennemis n’ont pas de goût pour les pures sour-