Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/368

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reux jeune homme une impétuosité et une violence qu’il cherchait à contenir et qui le dévoraient intérieurement : c’était l’impatience d’un cheval fougueux qui se fatigue à ronger son frein. Après un moment de réflexion, Jeanie songea qu’elle n’avait aucune raison de lui cacher, soit à cause de sa sœur, soit à cause d’elle, les conséquences du crime qu’il avait commis, ni de rejeter les avis qu’il pourrait lui donner s’ils n’avaient rien de blâmable et de contraire à ses devoirs. Elle lui raconta donc, aussi brièvement que possible, l’histoire du jugement et de la condamnation de sa sœur, et celle de son voyage jusqu’à Newark. Il parut, en l’écoutant, livré aux plus cruelles angoisses, et cependant chercher à réprimer tout geste et toute parole qui, en exprimant la violence de son émotion, aurait pu l’interrompre. Étendu sur sa couche, comme le monarque mexicain sur son lit de charbons ardents, le mouvement convulsif de ses traits et le tremblement de ses membres indiquaient seuls ce qu’il souffrait. Une grande partie de ce qu’elle lui apprit lui arracha des gémissements étouffés, comme s’il entendait la confirmation de ces malheurs dont il connaissait déjà la triste réalité. Mais quand, en continuant son récit, elle en vint aux circonstances qui avaient interrompu son voyage, une surprise extrême et une profonde attention parurent succéder aux remords dont il semblait précédemment agité. Il questionna Jeanie en détail sur la tournure des deux hommes et sur la conversation qu’elle avait entendue entre le plus grand et la vieille femme.

Quand elle raconta ce que la vieille femme avait dit de l’enfant qu’elle avait nourri : » C’est trop vrai, dit-il, et il faut que j’aie puisé à cette source, dès mon enfance, ces criminels et funestes penchants à des vices qui étaient étrangers à ma famille… Mais continuez. »

Jeanie passa rapidement sur la promenade qu’elle avait faite avec Madge, n’ayant aucune envie de répéter des choses qui pouvaient n’être que l’effet du délire de sa compagne ; son récit fut donc bientôt terminé.

Le jeune Staunton resta un moment dans la plus profonde méditation, et lorsqu’il parla, ce fut avec plus de calme qu’il n’en avait encore montré pendant leur entrevue. « Vous êtes une fille sensée autant que bonne, Jeanie Deans, et je vais vous dire de mon histoire plus que je n’en ai jamais raconté à personne. Mon histoire, dis je ! ce n’est qu’un tissu de crimes, de folies et de mal-