Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/361

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Tandis que ces idées se succédaient dans son esprit avec plus de rapidité que notre plume ne peut les retracer, ou que l’œil du lecteur ne peut les lire, Jeanie se trouvait déjà dans une belle bibliothèque en présence du recteur de Willingham. Les planches et les rayons bien garnis qui entouraient cette belle et vaste pièce contenaient plus de livres que Jeanie n’avait imaginé qu’il pût en exister dans le monde, étant accoutumée à regarder comme une grande collection deux tablettes d’environ trois pieds de long, qui portaient tout ce que son père avait amassé de volumes, et qui, selon lui, étaient l’essence et la moelle de toute la théologie moderne. Une sphère, des globes, un télescope, et quelques autres instruments consacrés aux sciences, inspirèrent à Jeanie un étonnement et une admiration mélangée de crainte ; car, dans son ignorance, ils lui semblaient plutôt destinés à des opérations de magie qu’à toute autre chose. Quelques animaux empaillés (car le recteur avait du goût pour l’histoire naturelle) ajoutèrent encore à l’impression que la vue de cet appartement produisit sur elle.

M. Slaunton lui parla avec beaucoup de douceur ; il lui fit observer que, quoiqu’elle fût entrée dans l’église d’une manière bien étrange, bien extraordinaire, très-propre à jeter le désordre dans la congrégation pendant le service divin, et dans une compagnie qui il était fâché de le dire, ne pouvait nullement prévenir en sa faveur, il désirait cependant, avant de prendre les mesures que son devoir semblait lui prescrire, qu’elle lui expliquât sa situation. Il lui apprit qu’il joignait la qualité de magistrat à celle d’ecclésiastique.

« Son Honneur, dit Jeanie ; car elle ne voulut pas dire Sa Révérence, « Son Honneur est bien honnête et bien bon. » La pauvre fille ne put en dire davantage.

« Qui êtes-vous, jeune femme, » dit le recteur d’un ton plus impérieux, « et que faites-vous dans ce pays et dans une telle société ? nous ne souffrons pas ici de coureuses ni de vagabondes. — Je ne suis ni une coureuse ni une vagabonde, » dit Jeanie à qui ces expressions rendirent le courage de se défendre ; « je suis une honnête Écossaise, traversant le pays pour mes affaires et voyageant à mes frais. J’ai eu le malheur de rencontrer hier soir mauvaise compagnie, et j’ai été retenue toute la nuit bien contre mon gré. C’est cette pauvre créature à tête un peu légère qui m’a fait sortir ce matin. — Mauvaise compagnie ! dit le recteur ; oui,