Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/348

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qui pourraient avoir le moyen de la protéger, afin de les disposer à écouter avec attention et patience l’étrange histoire qu’elle avait à raconter, Jeanie, dis-je, acquiesça à la proposition que lui fit Madge de rester sous les arbres qui les cachaient en partie, jusqu’à ce que le commencement du service leur donnât la facilité d’entrer dans le hameau sans attirer la foule autour d’elles. Elle fit d’autant moins d’opposition, que Madge lui avait dit que ce n’était pas dans ce village que sa mère avait été conduite, et que les deux chevaliers du grand chemin avaient pris une autre direction.

Elle s’assit donc au pied d’un chêne, et avec le secours d’une claire fontaine qui fournissait de l’eau aux habitants du village, et qui lui servit de miroir, elle se mit à faire sa toilette en plein air, ce qui n’était pas une chose extraordinaire parmi les jeunes Écossaises de sa condition, et elle répara, aussi bien que le lieu et les circonstances le lui permirent, le désordre et la malpropreté de ses vêtements.

Elle eut bientôt lieu de regretter cependant de s’être occupée de ce soin, tout décent, tout nécessaire qu’il était, en voyant quel en fut l’effet sur sa compagne. Madge Wildfire qui, parmi d’autres marques de folie, avait une grande opinion de ses charmes, auxquels elle devait en effet tous ses malheurs, et dont l’esprit, semblable à une nacelle abandonnée sur un lac, cédait à chaque impulsion qui lui était donnée, ne vit pas plus tôt Jeanie arranger ses cheveux, rajuster son chapeau, secouer la poussière de ses souliers et de ses habits, rattacher son fichu et ses mitaines, et enfin s’arranger le plus proprement possible, que, poussée par un esprit d’imitation et de coquetterie, elle tira d’un petit paquet les lambeaux flétris de son ancienne élégance, et se mit à s’en parer et à les disposer autour de sa personne d’une manière qui lui donna une tournure vingt fois plus ridicule et plus extravagante qu’elle ne l’avait auparavant.

Jeanie gémissait dans son âme ; mais elle n’osait faire d’observations dans une occasion si délicate. Sur une espèce de chapeau d’homme qu’elle portait, Madge plaça une plume brisée, qui jadis avait été blanche, et qui était accompagnée d’une autre arrachée à la queue d’un paon. Elle trouva moyen d’attacher et d’assujettir au bas de sa robe, qui était une espèce d’habit d’amazone, une volumineuse garniture de fleurs artificielles, flétries et chiffonnées, qui avait appartenu autrefois à une dame de qualité, et