Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/315

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et empêche les gens malhonnêtes de vous dévisager comme si vous aviez quelque chose d’extraordinaire. Je vous écrirai ce qui se sera passé avec le duc d’Argyle quand je serai à Londres. Adressez-moi quelques lignes, pour m’apprendre comment vous êtes, chez mistress Marguerite Glass, marchande de tabac à l’enseigne du Chardon à Londres, lesquelles, m’assurant de votre santé, tranquilliseront beaucoup mon esprit… Excusez l’écriture, la mauvaise orthographe, car j’ai une très-mauvaise plume. »

L’orthographe de cette épître aurait pu, aux yeux d’un Anglais, demander une meilleure excuse que celle que la lettre exprimait, quoiqu’un certain laird montagnard se soit aussi excusé de la sienne sur une mauvaise plume. Cependant je dirai, à l’honneur de notre héroïne, que grâce aux soins de Butler, Jeanie Deans avait une écriture et une orthographe bien supérieures à celles de la moitié des femmes de qualité de l’Écosse à cette époque, dont le style étrange et les fautes de langue formaient le plus frappant contraste avec le bon sens que leurs lettres indiquaient généralement.

Au surplus Jeanie, dans ces deux épîtres, avait peut-être exprimé plus d’espérance, de courage et de sérénité qu’elle n’en avait intérieurement. Mais c’était dans l’intention bien louable de soulager son père et son amant des craintes qui pouvaient les agiter en pensant à elle, sentant bien qu’elles devaient ajouter sensiblement à tous leurs autres chagrins. « S’ils me croient tranquille et en bonne santé, avec l’espoir de réussir, se disait en elle-même la pauvre pèlerine, mon père en sera mieux disposé pour Effie, et Butler se soignera davantage… car je suis bien sûre qu’ils s’occupent plus de moi que je ne fais moi-même… »

En conséquence, elle cacheta ses lettres avec soin et les mit à la poste de sa propre main, après avoir plusieurs fois demandé quand elles arriveraient à Édimbourg. Ce devoir rempli, elle accepta avec plaisir l’offre pressante que lui fit son hôtesse de dîner avec elle, et de ne repartir que le lendemain matin. L’hôtesse, comme nous l’avons déjà dit, était sa compatriote ; et l’empressement avec lequel les Écossais se recherchent et s’aident de toute l’étendue de leurs moyens, qui nous est souvent reproché comme un préjugé étroit, me semble au contraire provenir du patriotisme le plus naturel et le plus honorable ; car les habitudes morales et les principes d’un peuple sont une espèce de garantie pour les