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Telle était la situation de Butler, à peine en état de se traîner au lieu où, par une insipide occupation il était obligé de gagner le pain de chaque jour, et vivement inquiet sur le sort des êtres qu’il aimait le plus au monde, quand le jugement et la condamnation d’Effie vinrent mettre le comble à ses tourments.

Il avait appris les détails de cet événement d’un camarade de collège qui demeurait dans le même village, et qui, étant présent à la séance de la cour, avait pu lui en retracer le tableau et la représenter à son imagination avec tout ce qu’elle avait eu d’affreux et de déchirant. On juge bien que le sommeil n’approcha pas de ses yeux la nuit qui suivit de si fatales nouvelles. Mille visions terribles effrayèrent son esprit, et, le matin, il fut réveillé d’un sommeil qui avait succédé à l’agitation de la fièvre par la chose la plus capable d’aigrir ses tourments : la visite d’un sot.

Ce fâcheux visiteur n’était autre que Bartholin Saddletree. Ce digne et docte bourgeois avait été exact au rendez-vous qu’il avait donné à Plumdamas et à d’autres voisins chez Mac-Croskie, pour y discuter le discours du duc d’Argyle, la justice de la condamnation d’Effie et le peu de probabilité d’un pardon. Ce savant conclave s’était échauffé par le vin et par la dispute, et le lendemain matin Bartholin sentit, comme il l’exprimait lui-même, qu’il y avait autant de confusion dans sa tête qu’il y en a souvent dans la marche de certains procès.

Pour rétablir l’ordre et la sérénité dans ses facultés, Saddletree résolut de prendre l’air du matin, et monta, en conséquence, une certaine haquenée que, conjointement avec Plumdamas et un honnête marchand de ses voisins, il trouvait moyen d’entretenir, et qui servait alternativement à leurs plaisirs ou à leurs affaires. Comme Saddletree avait deux enfants en pension chez Whackbairn, et que d’ailleurs, ainsi qu’on l’a déjà vu, il aimait assez la société de Butler, il dirigea son palefroi du côté de Libberton et vint, comme nous venons de le dire, ajouter à tous les tourments de l’infortuné sous-maître ce surcroît de peine dont Imogine se plaint si énergiquement quand elle dit :

Ami, je souffre vivement ;
Oui, j’éprouve un cruel tourment.

Si quelque chose pouvait ajouter à son amertume, c’est le choix que fit Saddletree, pour texte de ses insipides harangues, du jugement d’Effie et de la probabilité de son exécution. Chacune de