Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/294

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vent que possible : il sera assez isolé quand je serai partie. — Où va donc la petite folle ? » dit Dumbiedikes ; et, la prenant par la main, il la fit entrer dans la maison, « Ce n’est pas que je n’y eusse déjà pensé, dit-il, mais les paroles me restaient attachées au gosier. »

Tout en se parlant ainsi à lui-même, il la conduisit dans un parloir meublé à l’antique. En fermant la porte derrière lui, il y mit le verrou. Tandis que Jeanie, étonnée, restait aussi près que possible de la porte, le laird laissa aller sa main et pressa un ressort caché dans la boiserie, qui fit ouvrir immédiatement le panneau. Un coffre-fort de fer était renfermé dans cette armoire pratiquée dans le mur ; il l’ouvrit aussitôt, et, tirant deux ou trois tiroirs, lui montra qu’ils étaient remplis de sacs de cuir pleins d’or et d’argent.

« Voilà ma banque, Jeanie, ma fille, » dit-il en portant alternativement sur elle et sur le trésor un regard de satisfaction. « Je ne veux pas de vos billets de banquier, moi : cela amène la ruine des gens. »

Puis tout à coup, changeant de ton, il dit avec plus de courage et de résolution qu’on ne l’en aurait cru capable : « Jeanie, je vous ferai lady Dumbiedikes avant le coucher du soleil, et vous pourrez aller à Londres après si vous voulez, dans votre propre voiture. — Non laird, dit Jeanie, cela n’est pas possible… La douleur de mon père, la situation de ma sœur… la honte qu’il y aurait pour vous. — C’est mon affaire, dit Dumbiedikes ; et vous n’en diriez pas un mot, si vous n’étiez pas une folle… Et cependant je ne vous en aime que mieux… Il suffit que l’un des deux soit sage dans un ménage… Mais si votre cœur est trop plein, prenez tout l’argent que vous voudrez, et remettons l’affaire à votre retour… Autant vaut plus tard qu’à présent. — Mais, laird, » dit Jeanie qui sentait la nécessité de s’expliquer clairement avec un amant si extraordinaire, « il y a un homme que j’aime mieux que vous, et c’est ce qui fait que je ne puis vous épouser. — Un homme que vous aimez mieux que moi, Jeanie ! dit Dumbiedikes. Comment cela se fait-il ? Cela n’est pas possible, ma fille ?… Il y a si long-temps que vous me connaissez. — C’est vrai, laird, » dit Jeanie avec la même simplicité ; « mais il y a encore plus longtemps que je le connais que vous. — Plus long-temps ? cela n’est pas possible, s’écria le pauvre laird ; cela ne se peut pas : vous êtes née sur mes terres. Ô Jeanie, ma fille ! vous n’avez pas regardé,