Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/275

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George a jeté sa perruque au feu quand à a appris la nouvelle de l’insurrection Porteous. — On dit qu’il l’a fait quelquefois à moins, dit Saddletree. — Ma foi, il devrait mieux choisir ses motifs de colère, car, après tout, celle-ci n’a servi qu’à son perruquier, et il n’y a que son perruquier qui en profite. — Vous aurez sans doute entendu dire aussi, ajouta Plumdamas, que la reine a déchiré de rage ses falbalas, et que le roi a donné des coups de pied à sir Robert Walpole, pour n’avoir pas su mieux contenir la populace d’Édimbourg ; mais je ne puis croire qu’il ait agi si brutalement. — C’est pourtant la pure vérité, dit Saddletree, et il a manqué d’en faire autant au duc d’Argyle[1]. — De donner des coups de pied au duc d’Argyle ! » s’écrièrent tous les auditeurs sur différents tons d’étonnement.

  1. Ce seigneur était fort aimé de ses compatriotes, qui étaient fiers avec justice de ses talents militaires et politiques, et reconnaissants du zèle avec lequel il avait toujours servi les intérêts de son pays natal. Il n’en déploya jamais davantage qu’à l’époque de l’insurrection Porteous, lorsque les ministres proposèrent un bill inspiré par la colère et la vengeance, déclarant que le lord-prévôt d’Édimbourg serait déclaré incapable de remplir à l’avenir aucune charge publique, pour le punir de n’avoir pas prévu un désordre que personne ne pouvait prévoir, et de n’avoir pas arrêté le cours d’une insurrection trop formidable pour souffrir aucune opposition. Le même bill proposait aussi d’abattre les portes et d’abolir les gardes de la ville. C’était un expédient à l’irlandaise pour les forcer à l’avenir de se tenir tranquilles dans l’intérieur.
    Le duc d’Argyle s’opposa à ce bill, et combattit ces mesures comme cruelles, injustes et fanatiques, et empiétant d’ailleurs sur les privilèges que le traité d’Union assurait aux villes royales d’Écosse. « Dans toutes les transactions de ce temps, dit Sa Grâce, les Écossais ont traité avec l’Angleterre en nation libre et indépendante ; et comme ce traité, milords, n’avait d’autre garantie de son exécution que la bonne foi et l’honneur d’un parlement anglais, il serait injuste et peu généreux à la Chambre de consentir à des mesures qui pourraient y porter atteinte. » Lord Hardwick, en réponse au duc d’Argyle, voulut faire entendre que Sa Grâce envisageait cette affaire avec partialité. Le seigneur écossais répliqua dans les termes courageux qui sont rapportés dans le texte. Lord Hardwick s’excusa. Le bill fut extrêmement modifié, et on en retrancha entièrement les clauses relatives à la démolition des portes de la ville et au licenciement de la garde. Une amende de 2,000 livres sterling fut imposée à la ville, au bénéfice de la veuve de Porteous. Elle se contenta des trois quarts de cette somme, dont le paiement termina toute cette affaire. Il est digne de remarque que de nos jours les magistrats d’Édimbourg aient eu recours à ces deux mesures, objet de l’indignation de leurs prédécesseurs, comme nécessaires aux intérêts de la ville.
    On fera observer ici, pour expliquer une autre circonstance rapportée dans le texte, qu’il y a une tradition en Écosse qui rapporte que George II, dont le caractère irascible l’entraîna quelquefois, dit-on, à exprimer son mécontentement par des voies de fait, fit au duc d’Argyle, dans une audience orageuse, quelque menace de ce genre, sur quoi le duc fort irrité sortit immédiatement et sans cérémonie. Sir Robert Walpole ayant rencontré le duc qui se retirait, et apprenant la cause de son ressentiment et de son trouble, essaya de le calmer sur ce qui s’était passé, en lui disant « que c’était l’humeur de Sa Majesté, et qu’il prenait souvent de ces libertés avec lui-même sans y attacher d’importance. » Ceci ne raccommoda pas les choses aux yeux de Mac-Callum More, qui lui répondit avec beaucoup de dédain : « Vous voudrez bien vous rappeler, sir Robert, la distance infinie qu’il y a entre vous et moi. » On trouve aussi dans une vieille chanson jacobite une allusion à la manière dont ce monarque exprimait fréquemment sa colère :
    Une perruque, un chapeau rond,
    Dans les flammes jetés seront,
    Chaque fois qu’on osera dire
    Un mot sur ce sujet provoquant la satire.