Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/265

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« Le plus amer est maintenant passé, » dit-elle ; puis s’adressant d’un ton ferme à la cour : « Milords, si tel est votre bon plaisir de poursuivre cette affaire, il me tarde de voir la fin de cette terrible journée. »

Le président, qui, nous le disons à sa louange, avait partagé vivement la compassion générale, fut étonné d’être rappelé à son devoir par l’accusée ; il se recueillit un moment, et demanda si l’avocat de la prévenue avait d’autres témoins à interroger. Fairbrother, d’un air abattu, répondit négativement.

L’avocat-général s’adressa alors aux jurés. Il dit en peu de mots que personne ne pouvait être plus pénétré que lui de la scène déchirante qui venait d’avoir lieu ; mais que c’était la conséquence des grands crimes d’amener le désespoir et la ruine sur tous ceux qui avaient des relations avec le coupable. Il passa brièvement en revue toutes les preuves, et montra que toutes les circonstances de l’affaire étaient précisément celles qu’avaient prévues les dispositions de la loi d’après laquelle la malheureuse accusée était jugée ; que l’avocat de la prévenue n’avait pu réussir à prouver qu’Euphémie Deans eût communiqué sa situation à sa sœur : que, quant à la bonne réputation dont elle jouissait précédemment, c’était à regret qu’il faisait remarquer que c’étaient toujours les femmes qui avaient la meilleure renommée, et qui y attachaient le plus de prix, qui se laissaient entraîner par la crainte de la honte et de l’opprobre à la tentation de commettre le crime d’infanticide. Il ne faisait aucun doute que l’enfant n’eût été assassiné. La déclaration pleine d’hésitations et de contradictions de la prisonnière elle-même, ses nombreux refus de dire la vérité sur des points où, suivant ses propres aveux, il eût été dans son intérêt de s’expliquer franchement, tout lui prouvait le soit du malheureux enfant. Il ne doutait pas non plus de la part que l’accusée avait eue dans le crime. Qui, plus qu’elle, pouvait avoir intérêt à commettre une action aussi cruelle ? Sûrement ni Robertson, ni l’agent de Robertson, dans la maison de qui elle était accouchée, ne pouvaient être entraînés à un tel crime, si ce n’est à cause d’elle, dans le but de sauver sa réputation, et avec sa connivence. Mais la loi n’exigeait pas de lui qu’il produisît des preuves positives du meurtre et de la participation que l’accusée y avait eue. Le but de cette loi était de substituer une certaine réunion de circonstances probables à une preuve positive que, dans des cas semblables, il est très-difficile de se pro-