Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/243

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poussé en cherchant à échapper à ses incommodes voisins, s’écria avec l’accent prononcé du nord : « Que le diable emporte cette figure caméronienne ! Qui lui donne le droit de pousser les gens de la sorte ? — Place à l’ancien ! dit un autre ; il va voir une sœur glorifier Dieu dans Grass-Market. — Paix ! n’avez-vous pas honte ? » s’écria quelqu’un en élevant la voix ; puis la baissant tout à coup, il ajouta plus bas, mais distinctement : « C’est son père et sa sœur. »

Tous se reculèrent à l’instant pour faire place à ces infortunés ; et tous, jusqu’aux individus les plus corrompus et les plus endurcis de la foule, parurent frappés de honte et rentrèrent dans le silence. Davie Deans, s’avançant au milieu du passage qui venait de lui être ouvert par la populace, tenant toujours sa fille par la main, lui dit avec une expression forte et sévère et qui peignait ses sensations intérieures : « Vous entendez de vos propres oreilles et vous voyez de vos propres yeux à qui les railleries de l’impie attribuent la désertion et l’apostasie de ceux qui professaient notre foi : ce n’est pas seulement à eux-mêmes, mais à l’Église dont ils sont membres, et à son chef sacré et invisible. Cela étant, ne devons-nous pas supporter avec patience notre portion dans des reproches qu’ils osent étendre si loin ? »

L’individu qui avait parlé à la foule n’était autre que notre ancien ami Dumbiedikes, dont la bouche, comme celle de l’âne du prophète, s’était ouverte par l’urgence du cas. Il les rejoignit en ce moment, et avec sa taciturnité habituelle il les escorta jusqu’au tribunal. Les sentinelles et les gardiens de la porte ne mirent aucun obstacle à leur entrée, et on dit même qu’un de ces derniers refusa un schelling que lui offrit Dumbiedikes, qui pensait que l’argent rend tout facile. Mais cette dernière circonstance a besoin d’être confirmée.

Admis dans l’enceinte de la cour, ils y trouvèrent le nombre ordinaire d’employés du tribunal et d’oisifs affairés qui assistent aux débats d’un procès par devoir ou par passe-temps. On y voyait des bourgeois qui bâillaient et ouvraient de grands yeux, de jeunes procureurs qui allaient et venaient, causaient et plaisantaient comme s’ils eussent été au parterre de quelque théâtre, tandis que d’autres, assis à l’écart sur des bancs éloignés, étaient enfoncés dans de profondes discussions sur les points qui constituaient le crime et le véritable esprit de la loi. Le banc des juges était préparé pour les recevoir ; les jurés étaient arrivés ;