Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/206

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se fût aussitôt évanouie, elle lui laissa un degré de calme qu’elle n’avait pas éprouvé depuis long-temps. Depuis ce moment, elle s’était sentie intérieurement persuadée qu’elle serait appelée un jour, par un moyen quelconque, à sauver la vie à sa sœur. Elle se coucha, mais non avant d’avoir accompli ses dévotions ordinaires avec un redoublement de ferveur en songeant à sa délivrance récente, et en dépit de tant d’agitation, elle s’endormit profondément.

Nous retournerons maintenant à Ratcliffe, qui s’était élancé comme un lévrier excité par les cris des chasseurs, aussitôt que Jeanie lui avait désigné les ruines. Il est difficile d’assurer positivement si son projet était de favoriser la fuite de Robertson ou de se joindre, pour l’arrêter, à ceux qui le poursuivaient ; peut-être n’en était-il pas bien sûr lui-même, et avait-il résolu de se laisser guider par les circonstances. Au surplus, il n’eut l’occasion de faire ni l’un ni l’autre ; car à peine avait-il gravi la montée rapide de la chapelle et en traversait-il les arceaux ruinés, qu’il se sentit mettre un pistolet sur la gorge, et s’entendit sommer par une voix aigre et dure de se rendre au nom du roi. « Monsieur Sharpitlaw, dit Ratcliffe surpris, est-ce Votre Honneur ? — Et n’est-ce que vous ? » dit le procureur encore plus désagréablement surpris. « Que le diable vous emporte ! Qui vous a fait quitter cette femme ? — Elle m’a dit qu’elle avait vu Robertson entrer dans les ruines ; c’est ce qui fait que je m’étais empressé d’y courir pour attraper le fugitif. — Tout est fini maintenant, dit Sharpitlaw, nous ne le reverrons plus de la nuit ; mais s’il reste sur le territoire d’Écosse, il faudra qu’il se cache dans le trou d’une taupe, pour que je ne le trouve pas. Appelez nos gens, Ratcliffe. »

Ratcliffe se mit à appeler à grands cris les officiers dispersés, qui s’empressèrent de se rendre à ce signal. Il n’y en avait pas un seul d’entre eux, probablement, qui désirât beaucoup se rencontrer corps à corps, et séparé de ses camarades, avec un gaillard aussi vif et aussi déterminé que Robertson.

« Où sont les deux femmes ? dit Sharpitlaw. — Ma foi, je suppose qu’elles ont eu recours à leurs jambes, » répondit Ratcliffe en fredonnant le refrain d’une vieille chanson :

Et puis la fiancée a joué quelque tour,
Car elle a pris la fuite et déserté la tour.

« Il suffit d’une femme, » dit Sharpitlaw (car, ainsi que tous les gens corrompus, c’était un grand calomniateur du beau