Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/184

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quefois l’émissaire de la justice a l’air d’un chat qui guette une souris, et pendant qu’il fait une pause avant de s’élancer sur elle, il a soin de surveiller et de calculer tous ses mouvements, de manière à ce qu’elle ne puisse lui échapper. Quelquefois, dans une attitude plus passive encore, ses regards semblent avoir, ainsi que ceux du serpent à sonnette, la faculté de fasciner sa victime, et il se contente de n’en pas détacher les yeux pendant les divers efforts qu’elle fait pour fuir, certain que la terreur et le trouble la feront tomber dans sa gueule entr’ouverte. L’entrevue de Ratcliffe et de Sharpitlaw n’avait aucun de ces caractères. Ils restèrent pendant quelques minutes en silence, assis l’un vis-à-vis de l’autre devant une petite table, et se regardant fixement avec une expression pénétrante, mêlée de ruse, d’ironie, et de quelque envie de rire : on eût dit deux chiens qui, se préparant à lutter de force, se couchent ventre à terre, et restent quelques moments dans cette posture, chacun guettant les mouvements de l’autre et attendant qu’il commence la partie.

« Ainsi, monsieur Ratcliffe, » dit l’officier de police, jugeant qu’il était de sa dignité de parler le premier… « vous renoncez aux affaires, à ce qu’il paraît ? — Oui, monsieur, répondit Ratcliffe : je ne veux plus rien faire dans ce genre, et je crois que cela épargnera quelques peines à vos gens, monsieur Sharpitlaw. — Jack Dalgleish (alors l’exécuteur des hautes œuvres de la capitale de l’Écosse) les leur aurait aussi facilement épargnées, reprit le procureur fiscal. — Sans doute, si j’attendais ici dans la geôle qu’il vînt m’arranger ma cravate… Mais ce sont là des paroles oiseuses, monsieur Sharpitlaw. — Comment ! je présume que vous vous rappellerez que vous êtes condamné à mort, monsieur Ratcliffe, reprit M. Sharpitlaw. — Certainement nous le sommes tous, comme le disait le digne ministre dans l’église de la prison le jour où Robertson s’est enfui ; mais personne ne sait quand cette sentence sera exécutée… Ma foi, il avait plus de raison qu’il ne croyait de parler ainsi, et le plaisant événement qui arriva ce matin-là a fourni un beau commentaire à son texte. — Ce Robertson, » dit Sharpitlaw en baissant la voix et d’un ton presque confidentiel, « savez-vous, Rat, c’est-à-dire pouvez-vous nous dire quelque chose sur l’endroit où l’on pourrait en savoir des nouvelles ? — Ma foi, monsieur Sharpitlaw, je vous dirai franchement que Robertson est d’un degré au-dessus de moi… c’est un vrai démon, et il a fait plus d’une espièglerie ; mais, excepté