Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/176

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un sourire de mépris, « et où serai-je demain ? où serez-vous vous-même cette nuit, à moins que vous ne juriez de suivre mes conseils ?… Il se commit autrefois dans ce lieu un forfait maudit ; il va s’en commettre un autre qui lui sera comparable, si vous ne vous abandonnez pas à ma volonté, corps et âme. »

En disant ces mots il présenta un pistolet à la malheureuse jeune fille. Elle ne s’évanouit pas, elle ne chercha point à fuir, mais elle tomba à genoux et le supplia d’épargner sa vie.

« Est-ce là tout ce que vous avez à dire ? lui demanda l’inflexible étranger. — Ne trempez pas vos mains dans le sang d’une créature sans défense qui s’est fiée à vous, » lui dit Jeanie toujours à genoux.

« Est-ce là tout ce que vous avez à dire ? n’avez-vous pas de promesse à me faire ? Voulez-vous perdre votre sœur ? voulez-vous me forcer de répandre encore du sang ? — Je ne puis vous promettre de rien faire, dit Jeanie, qui ne soit permis à un chrétien. »

Il arma son pistolet.

« Puisse Dieu vous pardonner ! » dit-elle en pressant avec force ses mains contre ses yeux.

« Malédiction ! » murmura l’étranger en se détournant d’elle ; il remit le pistolet dans sa poche. « Je suis un misérable, dit-il, enfoncé dans le crime et le malheur ; mais je ne suis pas assez scélérat pour vouloir attenter à votre vie. Je n’ai voulu que vous effrayer pour vous faire consentir à mes projets. Elle ne m’entend plus… elle est sans connaissance… Grand Dieu ! misérable que je suis ! »

Pendant qu’il parlait, elle reprit ses sens, qu’elle avait perdus un instant dans l’angoisse involontaire d’un moment qu’elle croyait être le dernier de sa vie ; et bientôt, rappelant avec force sa réflexion et sa fermeté naturelle, elle se recueillit assez pour comprendre qu’il n’avait aucune intention criminelle contre sa personne.

« Non, répéta-t-il, je ne voudrais pas ajouter à la destruction de votre sœur et de son enfant celle d’un être qui lui appartient. Tout insensé, tout frénétique que je suis, n’étant arrêté ni par la crainte, ni par la pitié, livré au génie du mal, abandonné de tout ce qui est bon et vertueux, je ne voudrais pas vous faire de mal quand on m’offrirait l’empire du monde. Prenez cette arme, brûlez-moi la cervelle, vengez ainsi de votre main les injures de