Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/125

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Anne), la dernière de l’infortunée famille des Stuarts. Tout occupé de l’avantage que tirerait sa fille des bonnes doctrines qu’elle entendrait sortir de la bouche d’un tel homme, le bon vieillard ne songea nullement aux pièges d’une espèce bien différente, auxquels une créature si belle, si jeune et si légère, serait exposée au milieu d’une cité populeuse et corrompue. Le fait est qu’il avait une telle horreur pour les fautes le plus à redouter en pareil cas, qu’il aurait songé à donner des avis à sa fille contre la tentation de commettre un meurtre, avant de penser à craindre pour elle des péchés auxquels son âge et sa beauté l’exposaient bien davantage. Il regretta seulement qu’il lui fallût vivre sous le même toit que Bartholin Saddletree, cet homme mondain que Davie, loin de le savoir aussi ignorant qu’il l’était en effet, croyait rempli de toutes les connaissances judiciaires dont il faisait parade, et qu’il n’en aimait que d’autant moins. Les légistes, surtout ceux qui siégeaient comme anciens dans l’assemblée générale de l’Église, avaient toujours été les premiers à appuyer les mesures de tolérance relatives au serment et à d’autres sujets que Davie Deans regardait comme la destruction du sanctuaire et l’anéantissement des libertés de l’Église. Il fit à sa fille de longues leçons sur le danger d’écouter un formaliste mondain comme Saddletree ; mais il ne lui parla que très-légèrement des dangers de la mauvaise compagnie et de la dissipation, auxquels beaucoup de gens auraient cru Effie plus exposée qu’à des erreurs théoriques sur quelque point de foi.

Jeanie se sépara de sa sœur avec un sentiment de regret mêlé de crainte et d’espérance. Elle n’avait pas autant de confiance que son père dans la prudence d’Effie, car elle l’avait observée de plus près, sympathisait davantage avec tous ses sentiments et pouvait mieux apprécier les tentations auxquelles elle allait être exposée. D’un autre côté, mistress Saddletree était une femme respectable, attentive, sévère ; elle aurait droit d’exercer sur Effie l’autorité absolue d’une maîtresse, et elle saurait en user avec fermeté, quoique avec douceur. D’ailleurs le séjour d’Effie chez Saddletree romprait sans doute certaines mauvaises connaissances qu’elle l’a soupçonnait d’avoir faites dans le faubourg voisin. Tout bien considéré, elle voyait donc avec plaisir le départ de sa sœur ; et ce ne fut qu’au moment de se séparer d’elle pour la première fois de sa vie, qu’elle sentit toute la force de son chagrin. Pendant qu’elles se tenaient étroitement embrassées, se