Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/121

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rendant son baiser, en signe de réconciliation complète, elle ne put s’empêcher de lui dire avec douceur. « Effie, si vous apprenez de vilaines chansons, vous pourriez vous en servir moins méchamment. — Ah, oui ! » dit la jeune fille en la serrant dans ses bras, « je voudrais n’en avoir jamais appris, je voudrais n’avoir jamais été là ; je voudrais que ma langue eût été coupée, plutôt que de vous avoir affligée. — Ne parlez plus de cela, » répondit sa bonne sœur ; « rien de ce que vous me dites ne peut m’affliger ; mais ne faites pas de peine à notre père ! — Oh ! non, non, dit Effie ; et quand il y aurait autant de danses qu’il y a d’étoiles au firmament pendant une nuit d’hiver, je ne ferais pas un pas pour y aller. — La danse ! répéta sa sœur étonnée ; et qu’allez-vous faire à la danse ? »

Peut-être, dans ce moment d’expansion, le Lis de Saint-Léonard aurait fait à sa sœur une confidence sans réserve, et m’aurait épargné la peine de raconter une déplorable histoire ; mais le mot danse avait frappé l’oreille du vieux Davie, qui, venant de tourner le coin de la maison, arriva près de ses filles avant qu’elles se fussent aperçues de sa présence. Le mot prélat, celui même de pape, eût produit un effet moins terrible sur Davie ; car la danse, qu’il appelait un accès volontaire et mesuré de folie, lui semblait le plaisir le plus propre à détruire toute pensée sérieuse, et à jeter dans toute espèce de désordres ; encourager ou seulement permettre des réunions de personnes d’un rang élevé ou inférieur pour cet absurde et bizarre objet, ou pour les représentations dramatiques, lui paraissait une des preuves les plus frappantes de l’hérésie du siècle. Le mot danse, prononcé par ses filles et à sa porte lui fit perdre toute patience. La danse, s’écria-t-il, la danse ! La danse, dites-vous ? osez-vous bien parler de danse à ma porte ? C’est en se livrant à ce plaisir licencieux et profane que les Israélites adorèrent le veau d’or à Béthel ! c’est en dansant qu’une vile prostituée obtint la tête de Jean-Baptiste ! Je prendrai ce chapitre pour texte de l’exercice de ce soir, puisque vous avez besoin d’instruction sur ce point ; car cette malheureuse a eu certainement lieu de maudire le jour où elle se livra à cet exercice profane ; mieux eût valu pour elle être née boiteuse, et être portée de porte en porte comme la vieille Bessie Bovie, demandant l’aumône, que d’être la fille d’un roi, dansant et jouant des instruments comme elle a fait. Je me suis souvent étonné qu’un homme qui a une fois fléchi les genoux pour un motif pieux,