Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/110

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Il obtint la licence de prédicateur de l’Évangile, avec quelques compliments du presbytère qui la lui accorda ; mais on ne lui donna aucune place, et il fut obligé de demeurer pendant quelques mois dans la chaumière de Beersheba, sans autre revenu que la ressource précaire que lui fournirent des leçons qu’il donnait à quelques enfants du voisinage. Après avoir embrassé sa grand’mère, sa première visite avait été aux habitants de Woodend, où il fut reçu par Jeanie avec une cordialité affectueuse, inspirée par des souvenirs qui n’étaient jamais sortis de son cœur ; par Rebecca avec une hospitalité franche et bienveillante, et par Deans d’une manière qui lui était particulière.

Quoique Douce Davie eût une grande vénération pour le clergé, ce n’était point en particulier à chaque individu de cet ordre qu’il l’accordait ; et peut-être un peu jaloux de voir son jeune ami élevé à la haute dignité de professeur et de prédicateur, il l’attaqua aussitôt sur divers points de controverse, pour voir s’il s’était laissé entraîner à quelqu’une des défections et des hérésies du temps. Butler était fermement attaché aux principes du presbytérianisme, et en même temps il n’était nullement disposé à chagriner son vieil ami en disputant avec lui sur des points de peu d’importance ; il pouvait donc espérer de sortir de l’interrogatoire que lui ferait subir Davie, aussi pur que l’or qui sort du creuset. Mais il n’eut pas, auprès de son sévère examinateur, tout le succès auquel il s’attendait. La vieille Judith Butler, qui, ce soir-là, était venue à grand’peine jusqu’à Woodend pour recevoir les félicitations de ses voisins sur le retour de Butler et sur sa profonde instruction, dont elle était très-fière, eut la mortification de voir que son vieil ami Deans ne partageait pas tout à fait son opinion. En effet, il ne témoignait ni mécontentement ni satisfaction, et ce ne fut qu’après avoir essayé plusieurs fois de lui faire rompre cet inquiétant silence, que la bonne Judith parvint à amener le dialogue suivant :

« Eh bien, voisin Deans, j’espère que vous avez été content de voir revenir Reuben parmi nous ? le pauvre garçon ! — Très-content, mistress Butler, » fut la réponse laconique de Deans.

« Depuis qu’il a perdu son grand-père et son père (béni soit celui qui donne et qui retire !) il n’y a que vous au monde qui lui ayez servi de père, voisin Deans. — Dieu seul est le père des orphelins, » dit Deans en portant la main à son bonnet et levant les mains au ciel ; « rendez gloire à qui gloire est due, femme,