Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/100

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vous songerez à demander la rente annuelle qui m’est due au terme prochain. Si je paie les autres, il est bien juste qu’ils me paient aussi… chacun le sien… Jack, quand vous n’aurez rien à faire, plantez un arbre, il poussera pendant que vous dormirez. C’est ce que me disait mon père, il y a quarante ans, mais je n’ai jamais eu le temps de m’en souvenir. Jack, ne buvez jamais d’eau-de-vie le matin, c’est mauvais pour l’estomac. Si vous avez besoin de boire un coup en vous éveillant, prenez de l’eau admirable ; voilà Jenny qui en fait d’excellente… Docteur, ma respiration devient aussi difficile que celle d’un joueur de cornemuse qui a joué pendant vingt-quatre heures à une noce de gueux[1]… Jenny, relevez l’oreiller sous ma tête… mais ce n’est pas la peine !… John-la-Messe, ne voulez-vous pas me réciter quelque petite prière, cela peut me faire du bien, et chasser de ma tête quelque mauvaise pensée. Parlez donc, l’ami. — Je ne puis chanter une prière comme une chanson, répondit l’honnête ministre : si vous voulez échapper à la damnation comme l’oiseau échappe à l’oiseleur, il faut, laird, me montrer l’état de votre âme. — Est-ce que vous ne devez pas le savoir sans que j’aie besoin de vous le dire ? À quoi m’aura servi de payer la dîme, de payer les émoluments de la cure, d’entretenir le presbytère depuis 1689, si je ne puis obtenir un petit bout de prière, la première fois que je vous en demande ?… Allez au diable, vous et votre indépendance, si c’est là tout ce que vous pouvez faire pour moi !… Le vieux ministre Kiltstoup m’aurait déjà lu la moitié du livre de prières… allez au diable !… Docteur, voyons si vous pourrez faire quelque chose pour moi. »

Le médecin, qui pendant ce temps-là avait reçu de la femme de charge quelques renseignements sur l’état du malade, l’assura que toute sa science ne pourrait prolonger sa vie au-delà d’une couple d’heures.

« Alors, allez au diable, vous et John-la-Messe ! Êtes-vous venus ici seulement pour me dire que vous ne pouvez me secourir dans le danger ? Qu’on les mette à la porte, Jenny… À la porte de la maison ! Et vous, mon fils, que ma malédiction et celle de Cromwell tombent sur vous si vous leur donnez argent ou cadeaux, ne fût-ce qu’une paire de gants noirs. »

Le ministre et le médecin se hâtèrent de quitter l’appartement, tandis que Dumbiedikes, dans un accès de rage, vomissait ces

  1. Penny-widding, noce à un sou, de dit d’une noce où chacun paie son écot. a. m.