Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/90

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leux, rapportèrent qu’en cette occasion les Varangiens oublièrent leurs devoirs jusqu’à consommer une partie du vin sacré réservé pour les lèvres impériales. Ce serait un crime de nier que ce fut une grande et coupable infraction ; néanmoins notre héros impérial passa là-dessus comme sur une offense pardonnable, observant en plaisantant que, puisqu’il avait bu l’ail de ses fidèles gardes, les Varangiens avaient acquis le droit d’étancher la soif et de se rétablir des fatigues qu’ils avaient eues à souffrir dans cette journée pour sa défense, quoiqu’ils eussent employé à cet effet les provenances de la cave impériale.

« Sur ces entrefaites, la cavalerie de l’armée fut dépêchée à la poursuite des Arabes fugitifs ; et ayant réussi à les rejeter de l’autre côté de la chaîne de montagnes qui les avait séparés peu de temps auparavant des Romains, on put justement considérer les armes impériales comme ayant remporté une victoire complète et glorieuse.

« Nous avons maintenant à faire mention des réjouissances des citoyens de Laodioée, qui avaient suivi du haut de leurs remparts, dans des alternatives de crainte et d’espérance, les fluctuations de la bataille ; ils descendirent alors pour complimenter le vainqueur impérial. »

Ici la belle historienne fut interrompue. La grande porte de l’appartement s’ouvrit sans bruit à deux battants, non comme pour donner entrée à un courtisan ordinaire, s’étudiant à causer aussi peu de trouble que possible, mais comme si elle s’ouvrait pour une personne d’un rang assez élevé pour craindre peu de détourner l’attention par ses mouvements. Ce ne pouvait être qu’un personnage né dans la pourpre, ou qui lui fût allié de près, à qui une pareille liberté fût permise ; et plusieurs des assistants, sachant ceux qu’il était probable, de voir paraître dans le temple des Muses, présumèrent que ce signal annonçait l’arrivée de Nicéphore Brienne, gendre d’Alexis Comnène, époux de la belle historienne, et jouissant du titre de césar, qui n’impliquait néanmoins pas à cette époque, comme dans les siècles précédents, la dignité de seconde personne de l’empire. La politique d’Alexis avait interposé plus d’un personnage entre le césar et les droits dont il jouissait autrefois, droits qui ne le cédaient qu’à ceux de l’empereur lui-même.