Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/392

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rité, était elle-même une amazone ; elle combattit aux premiers rangs des Normands, et sans cesse elle est mentionnée par notre historienne impériale Anne Comnène.

Le lecteur peut aisément concevoir que Robert de Paris se distingua parmi ses frères d’armes et les croisés ses compagnons. Sa renommée retentit du haut des remparts d’Antioche ; mais à la bataille de Dorylœum, il fut si gravement blessé qu’il ne put prendre part à la plus grande scène de toute l’expédition. Cependant son héroïque comtesse eut la satisfaction infinie d’escalader les murs de Jérusalem, et d’accomplir son vœu, ainsi que celui de son époux. Cela fut d’autant plus heureux que les médecins déclarèrent que les blessures du comte avaient été faites avec une arme empoisonnée, et que, pour espérer une guérison complète, il lui fallait recourir à l’air natal. Après quelque temps passé dans le vain espoir d’échapper par la patience à cette désagréable alternative, le comte Robert se soumit à la nécessité : et avec son épouse, le fidèle Hereward et tous ceux de ses soldats qui avaient été mis comme lui hors de combat, il reprit par mer le chemin de l’Europe.

Une agile galère, qu’ils se procurèrent à grands frais, les conduisit sans accident à Venise ; et de cette ville, alors dans sa gloire, la modique portion de butin qui était échue en partage au comte parmi les conquérants de la Palestine le mit à même de regagner ses propres domaines, qui, plus heureux que ceux de la plupart de ses compagnons de pèlerinage, n’avaient pas été dévastés par les voisins pendant l’absence du possesseur. Le bruit que le comte avait perdu la santé et les forces nécessaires pour continuer d’honorer Notre-Dame des Lances rompues lui attira cependant les hostilités d’un ou de deux voisins ambitieux et jaloux, dont néanmoins l’ambition fut suffisamment réprimée par la courageuse résistance de la comtesse et de l’intrépide Hereward. Il fallut moins d’un an au comte de Paris pour recouvrer toutes ses forces, et pour le faire redevenir le protecteur assuré de ses vassaux et le sujet à qui les possesseurs du trône français accordaient le plus de confiance. Cette dernière circonstance mit le comte Robert à même d’acquitter sa dette envers Hereward d’une manière aussi généreuse que ce dernier pouvait l’attendre. Alors respecté pour sa prudence et sa sagacité, autant qu’il l’avait été pour son intrépidité et sa valeur comme croisé, Robert fut plusieurs fois employé par la cour de France à conduire les négociations ennuyeuses et difficiles dans les quelles les possessions normandes de la couronne anglaise entraî-