Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/389

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de ses prédécesseurs. » Gibbon, Histoire de l’Empire romain, vol. IX, pag. 83, note.

La princesse n’hésita donc pas à croire que les signes nombreux qui parurent dans le ciel et sur la terre, et qui furent interprétés par les devins de l’époque comme présageant la mort de l’empereur, étaient effectivement destinés par le ciel à prophétiser ce grand événement. Par ce moyen, Anne Comnène a relevé l’importance de son père, en faisant accompagner sa mort des signes d’intérêt qui, selon d’anciens historiens, indiquaient nécessairement la disparition des grands personnages. Mais elle ne manque pas d’apprendre au lecteur chrétien que son père ne croyait à aucun de ces pronostics, et qu’il resta incrédule même dans la remarquable occasion que voici : Une magnifique statue qu’on regardait généralement comme un débris du paganisme, tenant à la main un sceptre d’or et placée sur un piédestal de porphyre, fut renversée par un ouragan ; l’on interpréta cet accident comme un signe de mort prochaine pour l’empereur. Mais il repoussa généralement cette interprétation. Ce Phidias, dit-il, et d’autres grands sculpteurs de l’antiquité avaient le talent d’imiter le corps humain avec une surprenante exactitude ; mais supposer que le pouvoir de prédire l’avenir a été donné à ces chefs-d’œuvre de l’art, ce serait accorder à leurs auteurs les facultés que la Divinité se réserve à elle-même, lorsqu’elle dit : « C’est moi qui tue et qui fais vivre. » Pendant ses derniers jours l’empereur fut vivement tourmenté par la goutte, mal dont la nature a exercé l’esprit de nombreux savants ainsi que celui d’Anne Comnène. Le pauvre malade était tellement épuisé que, comme l’impératrice parlait des hommes les plus éloquents qui aideraient à composer son histoire, il dit avec un mépris naturel pour de semblables vanités : « Les événements de ma malheureuse vie demandent plutôt des larmes et des lamentations que les louanges dont vous parlez. »

Une espèce d’asthme se joignit bientôt à la goutte, et alors les remèdes des médecins devinrent aussi inutiles que l’intercession des moines et du clergé, aussi bien que les aumônes qui furent indistinctement prodiguées. Deux ou trois évanouissements profonds et successifs donnèrent un sinistre avertissement du coup qui s’approchait ; et enfin se terminèrent le règne et la vie d’Alexis Comnène, prince qui, malgré tous ses défauts, possède encore un droit réel, vu la pureté de ses intentions en général, à être regardé comme un des meilleurs souverains du Bas-Empire.