Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/376

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ses pensées vers l’objet ostensible qui les avait réunis, et les chuchotements particuliers, se changeant peu à peu en murmures, commencèrent à exprimer le mécontentement des citoyens d’être si long-temps assemblés sans recevoir aucune communication sur le but de leur réunion.

Alexis ne fut pas long-temps à s’apercevoir de la direction de leurs pensées ; et, à un signal de sa main, les trompettes sonnèrent un air guerrier, sur un ton beaucoup plus vif que celui des fanfares qui avaient préludé à la proclamation impériale : « Robert, comte de Paris, dit un héraut, es-tu ici en personne, ou représenté par un chevalier, pour répondre au défi que t’a porté Son Altesse impériale Nicéphore Brienne, césar de cet empire ? »

L’empereur croyait avoir suffisamment pourvu à ce qu’aucun des deux champions nommés ne répondît à cet appel ; et il avait préparé un spectacle d’un autre genre, savoir : des cages renfermant des animaux sauvages, qu’on devait lâcher et laisser combattre les uns contre les autres en présence de l’assemblée : grandes furent donc sa surprise et sa confusion, lorsqu’à l’instant où le dernier mot de la proclamation mourait répété par l’écho, le comte Robert de Paris s’avança armé de pied en cap, son cheval bardé de fer venant derrière lui ; il sortait d’une enceinte fermée par des rideaux, placée à l’une des extrémités de la lice, et paraissait prêt à monter en selle au signal du maréchal.

La honte et l’alarme qui se montrèrent sur le visage de tous ceux qui entouraient la personne de l’empereur, lorsque le césar ne se présenta point de la même manière pour faire face au formidable Franc, ne furent pas de longue durée. À peine le nom et le titre du comte de Paris avaient-ils été proclamés selon l’usage par les hérauts ; à peine leur seconde sommation à son antagoniste avait-elle été faite en bonne forme, qu’un homme portant l’uniforme des Varangiens s’élança dans la lice, et déclara qu’il était prêt à combattre au nom et à la place de Nicéphore Brienne et pour l’honneur de l’empire.

Alexis vit avec la plus grande joie ce secours inattendu, et permit sans peine au hardi soldat qui se sacrifiait ainsi dans un moment si périlleux, de remplir le dangereux emploi de champion. Il consentit d’autant plus volontiers, qu’à en juger par la taille et l’extérieur du soldat, ainsi qu’à son air de bravoure, cet individu ne lui était pas inconnu, et qu’il avait pleine confiance dans sa valeur. Mais le prince Tancrède intervint, et s’y opposa.