Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/352

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bord de l’immense bâtiment, comme pour répandre davantage la consternation, et faire tourner la tête au petit nombre de ceux qui donnaient encore attention aux ordres de leur amiral, en tâchant d’éteindre le feu. La connaissance des matières combustibles qui étaient à bord joignit bientôt le désespoir à la terreur, et l’on vit les malheureux hommes de l’équipage s’élancer du haut des mâts, des vergues, des agrès, des flancs du vaisseau, presque tous pour trouver dans l’eau une mort qui leur semblait beaucoup plus terrible dans le feu. L’équipage du bâtiment de Tancrède cessa, par ordre de ce généreux prince, de lancer des projectiles contre un ennemi qui était à la fois menacé par l’eau et le feu ; les croisés poussèrent leur bâtiment vers la côte dans une partie de la baie qui était tranquille, et, sautant dans la mer peu profonde à cet endroit, ils prirent terre sans difficulté. Beaucoup de chevaux furent sauvés par leur docilité et abordèrent avec leurs maîtres sur le rivage. Tancrède ne perdit pas de temps pour former une phalange serrée, peu nombreuse d’abord, mais augmentant toujours à mesure que les bâtiments de la petite flottille venaient échouer sur la côte, ou qu’ils s’amarraient fort tranquillement au rivage, et débarquaient leur monde.

Le nuage qui avait été élevé par le combat fut alors entraîné par le vent, et le détroit n’offrit plus que quelques vestiges de l’action. Là flottaient sur les vagues les restes rompus et fracassés d’un ou deux vaisseaux latins qui avaient été brûlés au commencement du combat ; les hommes qui les montaient avaient été généralement sauvés par les efforts de leurs camarades. Plus bas on apercevait les cinq navires qui restaient de l’escadre de Lemnos, effectuant leur retraite péniblement et en désordre, dans le dessein de gagner le havre de Constantinople. À l’endroit qui venait d’être le théâtre de l’action était amarré le vaisseau de l’amiral grec, brûlé jusqu’à fleur d’eau et envoyant encore une fumée noire de ses poutres et de ses planches en feu. La flottille de Tancrède, occupée à décharger les troupes, était éparse irrégulièrement le long de la baie ; les hommes gagnaient terre comme ils pouvaient et couraient aussitôt rejoindre l’étendard de leur chef. Différents objets noirâtres flottaient à la surface de l’eau plus ou moins loin du rivage : d’un côté, c’étaient des débris de vaisseaux ; et d’un autre c’étaient des restes encore plus tristes à voir, les corps inanimés des marins qui avaient péri dans le combat.

L’étendard avait été porté à terre par le page favori du prince,