Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/346

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ment. Vraiment, mon homme, si tu étais seulement à moitié aussi spirituel que tu es grand, tu sentirais qu’il n’y a qu’un mauvais chasseur qui effraye le gibier par des cris, avant de l’avoir amené près des filets qu’il lui a tendus. »

Tandis que l’athlète roulait ses gros yeux gris comme pour trouver le sens de cette figure, son petit ami Lysimaque l’artiste, faisant un effort pour s’élever sur la pointe des pieds et pour paraître intelligent, dit en s’approchant aussi près que possible de l’oreille d’Harpax : « Tu peux t’en rapporter à moi, brave centurion ; cet homme fort et robuste ne s’élancera point comme un chien mal dressé sur une fausse piste, et ne sera ni muet ni inactif quand le signal sera donné. Mais dis-moi, » continua-t-il, en parlant très bas, et pour ce, montant sur un gradin, ce qui le mit de niveau avec l’oreille du centurion, « n’aurait-il pas été mieux qu’une forte garde des vaillants immortels eût été placée dans cette citadelle de bois pour atteindre le but d’aujourd’hui ? — Sans doute, répondit le centurion, c’est ce qu’on voulait faire ; mais ces vagabonds de Varangiens ont changé les postes de leur propre autorité. — Ne serait-il pas bien, dit Lysimaque, que vous qui êtes beaucoup plus nombreux que les barbares, vous commençassiez une dispute avec ces étrangers avant qu’il en arrive un plus grand nombre ? — Ne crains rien, l’ami, » répliqua froidement le centurion, « nous connaissons notre temps. Une attaque commencée trop tôt serait pire qu’inutile, et nous ne trouverions plus l’occasion d’exécuter notre projet en temps convenable, si l’alarme était prématurément donnée en ce moment. »

À ces mots, il se mêla parmi ses compagnons d’armes, comme pour éviter toute relation suspecte avec ceux des conspirateurs qui ne faisaient point partie de l’armée.

Tandis que la matinée avançait et que le soleil s’élevait sur l’horizon, les différentes personnes que la curiosité ou quelque motif plus important attirait vers l’emplacement du combat, accoururent des différentes parties de la ville, et s’empressèrent de prendre les places qui restaient encore sur les estrades. Pour arriver au lieu où avaient été faits les préparatifs du combat, ils avaient à gravir une espèce de cap qui s’avançait dans l’Hellespont comme un petit promontoire, et le sommet fort élevé qui se rattachait à la côte offrait une montée rapide. Cet endroit commandait la vue du détroit qui sépare l’Europe de l’Asie, mieux que le voisinage immédiat de la ville, ou le terrain plus bas encore de la lice. En passant sur cette hauteur, les premières personnes qui se rendaient au combat s’ar-