Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’étourdissement dont il s’était plaint, rentra d’un pas ferme dans l’appartement, et, prenant un siège, attendit, les yeux détournés, l’entrée de la personne qui demandait à être admise, et qui n’était autre qu’Alexis Comnène.

L’empereur parut à la porte en costume militaire, costume qui convenait à un prince qui allait assister à un combat en champ clos.

« Sage Douban, dit-il, le prisonnier que nous estimons tant, Ursel, a-t-il fait son choix entre notre paix et notre inimitié ? — Oui, sire. Il a choisi le sort de cette heureuse partie des mortels dont le cœur et la vie sont dévoués au service du gouvernement de Votre Majesté. — Il me rendra donc aujourd’hui le service de contenir tous ceux qui veulent exciter une insurrection en son nom et sous prétexte des injustices qu’il a souffertes ? — Oui, sire ; il remplira aussi parfaitement que possible le rôle dont vous le chargez. — Et de quelle manière, » dit l’empereur en prenant son plus gracieux ton de voix, « notre fidèle Ursel désire-t-il que de pareils services, rendus dans un temps de pressant besoin, soient récompensés par l’empereur ? — Uniquement en ne lui disant pas un seul mot à ce sujet. Il désire seulement que toute jalousie entre vous et lui soit désormais oubliée, et que vous le fassiez recevoir dans une des maisons monastiques fondées par Votre Majesté, afin de consacrer le reste de sa vie au culte du ciel et de ses saints. — En es-tu bien persuadé, Douban ? répliqua l’empereur à voix basse, en changeant de ton. « Par le ciel ! quand je considère de quelle prison il sort et de quelle manière il y a été traité, j’ai peine à croire à ces paisibles dispositions. Il faut au moins qu’il me parle lui-même avant que je croie à la métamorphose de l’impétueux Ursel en un être si insensible aux impulsions ordinaires de l’espèce humaine. — Écoute-moi, Alexis Comnène, dit le prisonnier, et puissent tes prières au ciel être entendues et exaucées suivant que tu ajouteras plus ou moins de foi aux paroles que je t’adresse dans la simplicité de mon cœur ! Quand même ton empire grec serait fait d’or monnayé, ce ne serait pas à mes yeux un appât digne de me séduire ; les injustices que j’ai reçues de toi, si cruelles et si nombreuses qu’elles aient été, n’ont pas excité en moi, et j’en remercie le ciel, le moindre désir de punir la trahison par la trahison. Pense de moi ce qu’il te plaira, pourvu que tu ne cherches pas à lier conversation avec moi et sois convaincu que, quand tu m’auras fait entrer dans le plus rigide de tes monastères, la discipline, le jeune et les veilles me sem-