Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’entrer dans cette chambre, résolue à soutenir la fortune chancelante de son mari jusqu’à la dernière extrémité, mais aussi décidée à n’en venir aux prières et aux remontrances, qu’après s’être convaincue que les commandements de son père avaient repris un caractère positif et absolu. Bien que les plans d’Alexis eussent été si vite formés, et déjoués si vite par le hasard, il n’était guère probable, néanmoins, qu’il pût être ramené au projet dont sa femme et sa fille avaient l’exécution tant à cœur, savoir, au pardon du coupable Nicéphore Brienne. À son grand étonnement, et peut-être peu à sa satisfaction, l’empereur trouva le malade fort occupé à babiller avec le médecin sur son propre compte.

« Ne croyez pas, » disait Ursel en réponse à la question de Douban, « que, quoique je sois muré dans ce cachot, et traité comme un être méritant moins d’égards que le plus vil proscrit… et quoiqu’en outre on m’ait privé de la vue, le plus précieux don du ciel… ne croyez pas, vous dis-je, quoique je souffre tous ces maux par ordre du cruel Alexis Comnène, que je le recarde comme mon ennemi : au contraire, c’est grâce à lui que l’aveugle et misérable prisonnier a su chercher une liberté bien plus étendue que celle qu’on peut posséder en ce malheureux monde, et une vue bien plus vaste que celle qu’aucun mont Pisgah puisse nous offrir de ce misérable côté de la tombe ! Dois-je donc compter l’empereur parmi mes ennemis, lui qui m’a fait connaître la vanité des choses de la terre, le néant des jouissances terrestres, et la pure espérance d’un monde meilleur, comme échange certain des misères de celui-ci ? Non ! »

L’empereur était resté un peu déconcerté au commencement de ce discours, mais l’entendant se terminer d’une manière si inattendue, et si favorable pour lui, à ce qu’il pensait, il prit l’attitude à la fois d’un homme modeste qui entend faire son propre éloge et d’une personne vivement frappée des louanges d’un généreux adversaire.

« Mon ami, dit-il à haute voix, vous avez bien lu dans mes intentions en supposant que les connaissances que des hommes de votre caractère peuvent extraire du mal, était toute l’expérience que je désirais vous faire acquérir par une captivité que des circonstances fâcheuses ont prolongée au delà, bien au delà de mes désirs. Que j’embrasse l’homme généreux qui sait si bien interpréter les motifs d’un ami prudent mais fidèle. »

Le malade se leva tout-à-coup sur son séant.

« Attendez, dit-il, il me semble que l’usage de mes facultés com-